Jour 2: 108e Conférence internationale du Travail

Vaste défilé de dirigeants mondiaux à la Conférence internationale du Travail du centenaire

Des dizaines de dirigeants mondiaux participent à la 108e session de la Conférence internationale du Travail qui marque le centième anniversaire de l’OIT. La Conférence met fortement l’accent sur l’avenir du travail. Elle se penche aussi sur la question de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

Actualité | 11 juin 2019
GENÈVE (OIT Infos) – Une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement sont intervenus à la 108e Conférence internationale du Travail (CIT) au cours des deux premières journées de la session du centenaire; d’autres dignitaires, tout aussi nombreux, doivent encore prendre la parole devant la plénière.

S’exprimant ce mardi lors de la session plénière de la Conférence, qui se déroule du 10 au 21 juin, les dirigeants de 10 Etats ont réaffirmé leur engagement vis-à-vis des principes de justice sociale de l’OIT et ont rappelé l’importance de relever les défis d’un monde du travail en pleine mutation.

La Présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili, a déclaré: «Il y a cent ans, en plein chaos, mais à l’aube d’un changement technologique et social rapide, le monde a vu la création de l’OIT. Cette institution avait pour mission d’aider le monde à se relever de la destruction et du désespoir infligés par la guerre, et de faire de la dignité humaine et de la justice sociale la force motrice de la réconciliation et du développement. Et elle l’a fait.»

Le Président de Chypre, Nicos Anastasiades, a dit à la Conférence que «les problèmes auxquels l’OIT est confrontée aujourd’hui sont beaucoup plus divers et compliqués que ceux auxquels elle a fait face il y a cent ans, cinquante ans, voire dix ans… une nouvelle ère numérique, de nouveaux types d’entreprise et le changement climatique. Ces défis exigent une évolution et une mise à niveau constantes des politiques et des activités de l’OIT». Témoignant son soutien au programme centré sur l’humain proposé par la Commission mondiale sur l’avenir du travail, il a ajouté: «Je suis fermement convaincu que ce n’est qu’en adhérant collectivement à ces principes que nous réaliserons la croissance, la justice sociale et la prospérité pour la génération actuelle et pour celles de demain.»

Le Roi Mswati III du Royaume d’Eswatini a affirmé: «Alors que nous célébrons ce centenaire, nous sommes sensibles aux réalités et aux problèmes liés à un monde du travail qui évolue rapidement du fait des avancées technologiques». Il a salué la Commission mondiale sur l’avenir du travail «pour avoir élaboré le rapport sur l’avenir du travail en faisant des propositions claires pour orienter les Etats Membres sur la manière d’appréhender les questions complexes soulevées par la mutation du monde du travail. Nous sommes particulièrement impressionnés par la priorité qu’accorde le rapport au développement centré sur l’humain».

Décrivant l’OIT comme «l’une des plus influentes structures mondiales», le Premier ministre de la Fédération de Russie, Dmitry Medvedev, a dit aux délégués: «Nous partageons la mission et les objectifs de l’OIT et nous exprimons notre solidarité avec la position selon laquelle notre tâche commune est de faire du travail au 21e siècle le moyen, pour les êtres humains, de révéler leur potentiel». Il a précisé: «La Russie sait, par expérience, qu’il est indispensable de répondre, de manière professionnelle et responsable, à ces changements sociaux, aux nouvelles demandes de la société et aux besoins des travailleurs, parce qu’ignorer ces défis a toujours des répercussions regrettables».

La Chancelière allemande, Angela Merkel, a dit à la Conférence: «Nous avons besoin de paix sociale, de conditions de travail équitables; nous devons préserver et respecter la dignité humaine. L’OIT a accompli beaucoup de choses – et je vous en félicite sincèrement – mais il reste beaucoup à faire. J’espère donc, et j’en suis convaincue, que ce qui a déjà été réalisé vous encouragera à travailler avec dynamisme et vigueur et à vous engager pleinement dans cette tâche et ce travail”. Evoquant la Journée mondiale contre le travail des enfants, célébrée le 12 juin, et le rôle de l’OIT dans la lutte contre ce fléau, elle a ajouté: «Dans le monde entier, 152 millions d’enfants sont contraints de travailler, près de la moitié d’entre eux ont entre 5 et 11 ans… C’est absolument inacceptable et nous devons y remédier ensemble».

Le Président de la République française, Emmanuel Macron, a exprimé avec force son soutien à la méthodologie tripartite de l’OIT. «Ce cadre peut se révéler exigeant, (...) il faut accepter que la prise de décisions prenne parfois plus de temps mais cela permet d’avoir des résultats solides». Il a ajouté: «Refuser de se résigner, agir en responsabilité, bâtir pas à pas la solidarité internationale par le droit et le dialogue, voilà l’esprit de votre organisation, voilà la tâche à laquelle des générations et des générations se sont ici employées. (...) Un double héritage qui nous oblige et qui se poursuit».

Le Président de Madagascar, Andry Rajoelina, a salué ceux qu’il qualifie de «bienfaiteurs de l’humanité». Madagascar, a-t-il dit, «rend hommage aux hommes et femmes… qui se sont battu de toutes leurs forces, avec foi, et conviction pour oeuvrer et bâtir un monde du travail plus juste, plus décent, valorisant l'humain et favorable à l'épanouissement et au bien-être de toutes les générations qui se sont succedé depuis 1919».

Le Premier ministre de la République de Tunisie, Youssef Chahed, a salué l’OIT pour son histoire de lutte contre le pauvreté, de promotion de la justice sociale, et pour avoir aidé les pays à développer leurs économies. «Nous ne réaliserons le développement durable que si nous respectons la dignité humaine, si nous veillons à ce qu’existe un cadre favorable à la justice sociale», a-t-il déclaré. «La Tunisie s’efforce de mettre en œuvre les principes du travail décent dans chaque secteur de son économie, de garantir le dialogue social et la protection sociale… Le pays fait des progrès. Lentement mais surement, il est sur la bonne voie pour établir le développement social et la justice sociale».

Le Président de Malte, George Vella, a qualifié l’OIT d’exemple parfait d’un multilatéralisme efficace. «Dans le contexte international présent, où le multilatéralisme est remis en question, cette organisation se distingue – pas seulement par sa propre réussite, mais en affirmant également le rôle crucial qui incombe toujours aux Nations Unies, dans l’arène internationale certes mais aussi en améliorant directement le bien-être de nos concitoyens par la mise en application de la justice sociale et de l’égalitarisme».

La Vice-présidente du Pérou, Mercedes Rosalba Aráoz Fernández, a évoqué les transformations actuelles du monde du travail. Elle a déclaré: «Nous devons saisir les opportunités qui se présentent… pour créer un avenir plus prometteur, qui nous permette de revigorer le contrat social». Elle a ajouté: «Les compétences actuelles ne correspondent pas aux emplois de demain. De nouvelles compétences peuvent être rapidement dépassées… Cela exige une révolution de notre système éducatif, en intégrant le monde du travail comme une source permettant d’actualiser les compétences des travailleurs».

Le Premier ministre slovène, Marjan Šarec, a souligné la nécessité de garantir que le progrès technologique bénéficie à tous. «Grâce à nos efforts conjoints, nous devons éviter que les fruits du progrès technologique… ne soient accaparés par quelques-uns, ne laissant que les restes à la majorité. Nous avons besoin d’une approche globale pour atteindre cet objectif majeur, une approche basée sur un programme centré sur l’humain».

Le Premier ministre du Luxembourg, Xavier Bettel, a évoqué les défis auxquels le monde du travail est confronté. «Le changement climatique, l’évolution démographique, la migration et les changements dans l’organisation du travail vont affecter toutes nos sociétés, toutes les organisations, tous les travailleurs et toutes les entreprises… Je soutiens entièrement les propos du Directeur général Guy Ryder, que le dialogue social était, est et restera la clé pour façonner l’avenir du travail. Aussi faut-il le renforcer et l’améliorer afin de s'adapter au monde en mutation».

Les deux Capitaines-régents de San Marin, Nicola Selva et Michele Muratori, se sont relayés pour prononcer leur discours commun. M. Muratori a déclaré que l’avenir du travail devait «inclure un dialogue renforcé et renouvelé et des échanges de vues destinés à établir des principes communs». M. Selva a décrit l’OIT comme «l’un des phares dans le monde pour la recherche de la paix et de la prospérité».

La Première ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Theresa May, a dit aux délégués qu’ils avaient un «devoir moral» de «lutter contre une relique du passé, l’esclavage moderne». Elle l’a décrit comme une épidémie mondiale qui «atteint chaque recoin de nos vies – dans les vêtements que nous portons, la nourriture que nous mangeons, les services que nous achetons… Aucun dirigeant digne de ce nom ne peut détourner le regard quand des hommes, des femmes et des enfants sont détenus contre leur volonté, contraints de travailler pour un salaire de misère, voire pas de salaire du tout, couramment frappés, violés et torturés». Elle a conclu: «Un avenir dans lequel l’esclavage moderne appartient au passé… c’est l’avenir du travail que nous pouvons et que nous devons offrir».

Une vingtaine d’autres dignitaires environ doivent encore s’exprimer dans le cadre de la réunion annuelle de l’OIT, souvent qualifiée de parlement mondial du travail. Près de 6 000 délégués – représentant les gouvernements, les travailleurs et les employeurs – vont discuter de la manière de façonner un avenir du travail qui offre justice sociale et travail décent. Ils vont également débattre d’une nouvelle norme sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail.