Chapitre 8. Salaire minimum des travailleurs domestiques

8.11 Salaire minimum des travailleurs domestiques: horaire ou mensuel ?

En principe, le salaire minimum peut être horaire, hebdomadaire ou mensuel (voir la Section 1.8).

Fréquemment, les travailleurs domestiques ne bénéficient que d’une protection juridique partielle: ils sont couverts par la législation sur le salaire minimum, mais non par celle sur la durée du travail, et 56,6 pour cent d’entre eux dans le monde sont totalement exclus de ces lois. En outre, indépendamment de la législation, les travailleurs domestiques logés chez leur employeur effectuent en moyenne beaucoup plus d’heures que les autres travailleurs; parfois, ils n’ont aucune information sur leurs périodes de pause, ou sur les plages horaires durant lesquelles ils peuvent disposer librement de leur temps.

Au Chili, par exemple, les travailleurs domestiques logeant chez l’employeur ont effectué en moyenne 67,6 heures de travail hebdomadaire en 2000, contre 40 heures pour ceux qui avaient leur propre logement. De même, au Pérou, la durée moyenne du travail hebdomadaire était de 62 et 49 heures, respectivement, pour ces mêmes catégories.

Le salaire minimum mensuel ne correspond donc pas toujours au nombre d'heures réellement effectuées par les travailleurs domestiques, ce qui, proportionnellement, réduit sensiblement leur salaire minimum horaire par rapport aux autres travailleurs qui ont une semaine de travail standard.

Cela étant, la première étape dans la fixation du salaire minimum pour les travailleurs domestiques consiste à:
1) vérifier s’ils sont couverts par les dispositions sur la durée du travail; et
2) déterminer les pourcentages respectifs de travailleurs domestiques logés chez leur employeur, et ceux qui ont leur propre domicile.

Une fois ces précisions obtenues, il est possible de fixer le salaire minimum selon la périodicité adéquate ‒ horaire, quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ‒, un ou plusieurs de ces critères pouvant être appliqués simultanément.

Salaire minimum horaire

Le salaire minimum horaire constitue la méthode la plus flexible, que le travailleur domestique loge chez l’employeur ou non. Ce mode de calcul permet:
  • d’assurer l'égalité de traitement entre les travailleurs domestiques logés par leur employeur et les autres;
  • de veiller à ce que les travailleurs sont payés pour les heures de travail qu’ils effectuent réellement, par opposition à la semaine de travail «normale»; cette observation vaut particulièrement pour les travailleurs couverts par la législation sur le salaire minimum, mais non celle sur la durée du travail (heures normales de travail, repos quotidien et hebdomadaire, heures supplémentaires);
  • de contrôler strictement le nombre d'heures de travail réellement effectuées1.
Toutefois, alors qu'un salaire horaire minimum peut constituer une solution pratique dans les pays où la plupart des travailleurs domestiques disposent de leur propre logement, son application peut s’avérer problématique dans les pays où ils habitent généralement chez l’employeur, parce qu’ils sont pratiquement en permanence à sa disposition: ils travaillent «à la demande» ou sont en «attente». Aux termes de la convention n° 189, ces périodes d’attente ou de travail à la demande désignent «Les périodes pendant lesquelles les travailleurs domestiques ne peuvent disposer librement de leur temps et restent à la disposition du ménage pour le cas où celui-ci ferait appel à eux … »2.

Bien que ces périodes d'attente soient considérées comme du temps de travail, et non comme une période de repos, elles sont souvent rémunérées à un taux inférieur aux heures de travail «normales», et leur contrôle peut s’avérer difficile, pour les employeurs comme pour les travailleurs. Pour pallier ces difficultés, certains pays ont établi un mode de calcul du salaire minimum qui assure l'égalité de traitement, dont on trouvera quelques exemples ci-après.

Salaire minimum mensuel

Certains pays ont un salaire minimum mensuel, mais prévoient une définition distincte de la semaine normale de travail, qui reflète plus fidèlement la durée hebdomadaire normale de travail des travailleurs domestiques hébergés par l’employeur.
  • Au Burkina Faso, un régime spécial a été adopté pour les travailleurs domestiques, à savoir une semaine de 60 heures de travail, alors qu’elle est de 40 heures pour les travailleurs assujettis au régime général.
  • Au Sénégal, le mois de travail normal des travailleurs domestiques est de 260 heures (60 heures par semaine), dont 173,33 heures de travail effectif. Les heures supplémentaires ne sont payées que pour le travail au-delà de 60 heures par semaine. En d'autres termes, les travailleurs domestiques perçoivent le salaire minimum mensuel s’ils travaillent entre 40 et 60 heures hebdomadaires.
Dans d'autres pays, le système de salaire minimum prévoit une rémunération distincte pour le temps d'attente:
  • République tchèque: les travailleurs ont droit à une rémunération représentant au moins 10 pour cent de leurs gains moyens, sauf disposition contraire de la convention collective quant au temps d'attente3.
  • Finlande: lorsque le travailleur est contractuellement tenu de rester chez lui et disponible au cas où le ménage ferait appel à lui pour certaines tâches (garder les enfants, s’occuper d'un malade dans la famille ou d'un autre membre du ménage), la moitié au moins de cette période d'attente compte comme du temps de travail et doit être rémunérée (au moins la moitié du salaire de base pour un nombre d'heures équivalent)4.
  • Espagne: sauf lorsqu’il est convenu que le travailleur est compensé par des périodes de repos, le temps d'attente ne doit pas dépasser une moyenne hebdomadaire de 20 heures durant un mois donné, et doit être rémunéré au moins au même taux que les heures normales de travail5.
  • France: la réglementation définit les «heures de présence responsable» comme «celles où le salarié peut utiliser son temps pour lui-même tout en restant vigilant pour intervenir s’il y a lieu». Cette notion diffère de la «présence de nuit», définie comme suit: «La présence de nuit compatible avec un emploi de jour s’entend de l’obligation du salarié de dormir sur place dans une pièce séparée, sans travail effectif habituel, tout en étant tenu d’intervenir éventuellement dans le cadre de sa fonction. Cette présence de nuit ne peut excéder 12 heures. Il ne pourra être demandé plus de cinq nuits consécutives, sauf cas exceptionnel.»6.
Une heure «de présence responsable» est payée deux-tiers du salaire horaire régulier; une heure de «présence de nuit» ne doit pas être rémunérée moins d’un sixième du salaire horaire normal. Si plusieurs interventions sont nécessaires durant la nuit, toutes les heures de la nuit sont assimilées à des heures de présence responsable.

Dans un troisième groupe de pays, le salaire minimum mensuel est fondé sur la période minimale de repos.

Le salaire minimum mensuel peut aussi être calculé en fonction des périodes de repos, plutôt qu’en réglementant les heures d’attente et d’astreinte. Dans ce type de système, une fois calculée la période de repos minimale, un salaire minimum mensuel ou hebdomadaire est établi pour les heures restantes. Par exemple, aux Philippines, les travailleurs domestiques ont droit à huit heures de repos quotidien et à un repos hebdomadaire de 24 heures. C’est également le cas au Chili, où ils ont droit à au moins une demi-heure de pause par jour, et un repos quotidien d’au moins 12 heures consécutives.

Système mixte: salaire minimum horaire et mensuel

Dans les pays où il existe à la fois des travailleurs domestiques hébergés chez l’employeur et d’autres qui ont leur propre logement, une solution consiste à établir à la fois un salaire minimum horaire et mensuel.

En Suisse, par exemple, alors que le salaire minimum fédéral pour les travailleurs domestiques est fixé au niveau national, le salaire minimum dans un des cantons (Genève) est exprimé en taux mensuel, selon la formule de calcul du taux horaire payable aux travailleurs domestiques à temps partiel7.

Le taux horaire est tout simplement le tarif mensuel divisé par 195 heures (soit une semaine de travail de 45 heures). Cette approche ne se limite pas au secteur du travail domestique: de nombreux pays appliquent ce mode de calcul pour les divers arrangements contractuels des employés à temps plein et à temps partiel (voir la Note technique 2).

1 «Working around the clock? A manual for trainers to help live-in domestic workers count their working time», BIT, Genève, 2014.
2 Convention n° 189, Article 10(3). Recommandation n° 201, paragraphe 9(1).
3 «Effective Protection for Domestic Workers: A guide to designing labour laws», Genève, BIT, 2012.
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Contrat-type de travail de l’économie domestique (CTT-Edom), Suisse.