Exploitation, travail forcé et marché du travail, par Roger Plant, Paris, Octobre 2009

Discours prononcé au Sénat le 26 octobre 2009, lors de la réunion technique organisée par le BIT et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). La réunion avait pour objectif de réunir les différents acteurs nationaux pour réfléchir à la meilleure manière de lutter contre les formes sévères d’exploitation, comme l’esclavage domestique ou la servitude pour dette (hors exploitation sexuelle).

Déclaration | Paris, France | 2 novembre 2009

Chers participants,

C’est un grand honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui dans ce lieu chargé d’histoire.

Contrairement à l’esclavage jadis, le travail forcé existe aujourd’hui sous des formes de coercition plus subtiles, à l’abri des regards, et par là même plus difficile à combattre. Dans certains cas, des travailleurs pauvres et vulnérables peuvent accepter d’endurer des conditions sévères d’exploitation, avec un certain degré de libre choix. Dès lors, la frontière entre travail forcé au sens strict et exploitation est difficile à dessiner. Il est donc important de commencer par réfléchir sur les concepts de travail forcé, de traite et d’exploitation, comment les identifier en pratique et quelles sont les réponses appropriées en terme de lois et politiques.

Aujourd’hui je souhaite insister sur trois points: Que recouvrent de nos jours les termes de travail forcé, de traite et d’exploitation ? En quoi la traite et le travail forcé sont des problèmes liés au marché du travail ? Et pourquoi il est urgent qu’une action concertée et coordonnée des différents acteurs soit mise en place?

La Convention 29 de l’OIT définit le travail forcé comme un travail que la personne n’a pas choisi de son plein gré et qui lui est imposé sous la menace d’une peine. Dans les cas les plus extrêmes, les personnes sont victimes de violence et physiquement enfermées sur leur lieu de travail, comme par exemple un travailleur domestique enfermé au domicile de son employeur ou des travailleurs dans une usine surveillée par des gardes armés.

Mais la plupart des formes contemporaines d’exploitation sur le marché du travail sont plus subtiles, même si elles peuvent impliquer un certain degré de coercition. Ce sont les millions de personnes qui sont exploitées pour rembourser une dette en travaillant dans des conditions inhumaines. La plupart du temps, il n’y a aucune contrainte physique, pas de chaîne, parfois même aucune violence. En théorie, ils pourraient quitter leur emploi et s’enfuir. Mais souvent, notamment en Europe, ces personnes sont des travailleurs migrants en situation irrégulière, qui risquent d’être expulsés s’ils portent plainte.

De plus, les travailleurs sont parfois exploités par des employeurs et des recruteurs qui ne violent pas ouvertement la loi, mais la contourne. On a ainsi pu observer des cas de traite d’être humains survenant après un processus de recrutement et de migration parfaitement légal, notamment en Europe et aux Etats-Unis, mais aussi dans les pays de Moyen Orient. Des frais de recrutement élevés, associés à des pratiques de tromperie place les travailleurs migrants dans une situation de grande vulnérabilité une fois arrivés à destination, voire de risque de travail forcé et de servitude pour dette,. Le problème commence avec des frais dans le pays d’origine pour le recrutement mais aussi pour le visa, le voyage et de placement. Les travailleurs peuvent également être trompés quant au travail qu’ils auront à accomplir, sur le salaire ou le nombre d’heures de travail. Une pratique très courante est le « contrat de substitution ». On fait signer au travailleur un contrat dans son pays d’origine, puis une fois arrivé à l’étranger, on l’oblige à en signer un autre complètement différent.

Prenons l’exemple de la migration chinoise. On sait que la migration chinoise est importante en Europe, notamment en France, et en grande partie irrégulière. Les migrants et leurs familles payent de fortes sommes jusqu’au 25,000 Euros à des intermédiaires, souvent liés à des gangs mafieux, pour pouvoir passer en Europe Ils doivent ensuite endurer des conditions de travail très difficile, souvent nuit et jour sept jours par semaine, afin de pouvoir rembourser leur dette. Plusieurs recherches ont été menées sur le sujet, notamment par le BIT et il résulte qu’il est difficile de faire une distinction claire entre les agences légales et illégales. Dans certains cas, les agences légales ont aussi des pratiques frauduleuses. Le cas des migrants chinois suscite de nombreux débats parmi les chercheurs et les officiers de police ou les magistrats afin de savoir si leur situation est constitutive ou non de traite et de travail forcé car ils acceptent apparemment ces conditions de travail.

L’Article 25 de la Convention 29 établit clairement que le recours au travail force doit être passible de sanctions pénales. Mais dans plusieurs pays, y compris quelques pays européens, le travail forcé n’est pas reconnu en tant que tel dans le Code pénal. Dans d’autres pays, la traite n’est pas définie par rapport à la notion de travail sous coercition, au sens des conventions de l’OIT. Par exemple, en France et en Belgique, la traite implique l’imposition de conditions de vie et de travail « contraires à la dignité humaine ». En Allemagne, suite à un amendement récent de la loi, l’un des critères pour définir la traite est le fait qu’un travailleur migrant reçoive un salaire nettement inférieur à celui touché par un travailleur national au même poste.

Il y a de nombreuses discussions autour du degré ou de la sévérité de l’exploitation. Ce terme très subjectif est rarement couvert par les normes du travail, encore moins par la justice pénale. C’est le Protocole de Palerme qui nous a obligé à nous pencher sur la notion d’exploitation. A priori, une personne est exploitée lorsque un tiers tire des avantages ou des bénéfices injustes à ses dépens, en la soumettant à des conditions de travail difficiles et moralement inacceptables. Mais il est évident qu’il y a plusieurs degrés d’exploitation. Il est dès lors difficile de déterminer quels sont les comportements qui doivent être punis par de longues peines de prison et ceux qui méritent seulement une amende ou la fermeture d’une usine. Sans oublier un aspect essentiel : celui de la compensation des victimes et de leur réhabilitation afin de pouvoir commencer une nouvelle vie.

Si ces formes subtiles de coercition sont répandues, à l’autre extrémité du spectre, des violations flagrantes des droits fondamentaux surviennent, y compris en Europe. Fin 2008, au Royaume-Uni, environ 60 individus ont été secourus par la police. Ces personnes d’Europe de l’Est travaillaient dans les champs jusqu’à 16 heures par jour et 6 jours par semaine, en touchant un salaire bien en deçà du salaire minimum. La plupart étaient des migrants légaux, recrutés par des agences à l’étranger, notamment en Lituanie et en Pologne.

Même quand la traite et l’exploitation sont définis par la loi, les personnes chargées de l’application des lois éprouvent d’évidentes difficultés pour identifier des cas individuels de traite à des fins d’exploitation de main-d'oeuvre ou de travail forcé. De nombreux pays cherchent auprès du BIT des conseils pratiques en la matière. Dans son rapport de 2008, le Rapporteur national des Pays-Bas a pour la première fois examiné la question de l’exploitation dans des secteurs autres que l’industrie du sexe. Défini comme un crime depuis de 2005, la charge d’étayer cette définition est toutefois été laissée aux juges.

Une fois le cadre juridique posé, des indicateurs opérationnels sont nécessaires pour identifier les situations de traite, de travail forcé et d’exploitation. Une initiative importante a été prise par le BIT et la Commission européenne pour obtenir un consensus sur des indicateurs relatifs à la traite d’êtres humains. En utilisant une méthodologie Delphi, des experts venus des 27 pays de l’Union Européenne ont été invités à établir une liste d’éléments de tromperie, d’exploitation ou de vulnérabilité considérés comme typiques de la traite en Europe. Cet exercice a résulté en quatre séries d’indicateurs (adultes, enfants, exploitation par le travail, exploitation sexuelle) couvrant les différents aspects de la traite (recrutement par tromperie, par coercition et par abus de vulnérabilité, y compris pour le transport, exploitation, coercition et abus de vulnérabilité à destination). Si les indicateurs contiennent les éléments caractéristiques de la traite, tels que l’enlèvement, la violence, ou l’emprisonnement, ils vont aussi au-delà, en abordant la dépendance émotionnel ou l’abus de croyance religieuse. Ils ont été classés par les experts en indicateurs fort, moyen ou faible. C’est la combinaison de ces indicateurs qui des repères utiles pour mieux comprendre la diversité et la complexité de la traite des personnes.

Etant donné la difficulté des Cours de justice à interpréter la définition de la traite, des indicateurs opérationnels pourraient constituer un outil pratique utile. Il est également intéressant de réfléchir à leur adaptation en indicateurs opérationnels pour la police ou les inspecteurs du travail dans le cadre de leurs enquêtes et inspections. Ils peuvent également être utilisés dans le cadre de programmes de formation et sensibilisation à la traite, et permettre un plus grande coopération entre pays.

A l’origine, ces indicateurs ont été développés à des fins de collecte de données et d’analyse statistiques. L’idée étant d’obtenir un consensus sur quels actes, ou combinaison d’actes, peuvent constituer un crime de traite. Depuis leur publication, le BIT a reçu des demandes émanant de plusieurs pays pour étudier leur possible utilisation dans l’identification, l’enquête et la poursuite des cas de traite. En septembre 2009, le BIT a ainsi organisé une réunion de travail pour examiner si ces indicateurs pourraient être utiles aux policiers, juges et procureurs, et si oui comment les adapter. Des spécialistes venant d’Allemagne, Belgique, Israël, Italie, Hollande, Pologne, Portugal et Royaume-Uni ont pris part aux discussions.

Quelle est l’ampleur du problème ?

Ces dernières années, l’OIT a conduit des recherches dans de nombreux pays, afin de mieux comprendre les mécanismes du travail forcé et de la traite. En Europe, plusieurs études ont identifié les secteurs dans lesquels la traite pour travail forcé peut survenir, ainsi que les mécanismes de recrutement. Au niveau mondial, plus de 12 millions de personnes sont soumises au travail forcé. Aucun pays ne semble à l’abri. Dans les pays industrialisés, Europe incluse, ce sont 360 000 personnes, dont les trois quarts sont victimes de traite. Les profits tirés de cette exploitation sont immenses.

Le travail forcé est partout, principalement dans l’économie souterraine, informelle, mais il pénètre également les chaînes d’approvisionnement des grandes compagnies. Non seulement dans des secteurs dangereux comme la construction ou l’agriculture, mais également dans le tourisme, le textile ou des secteurs de haute technologie tels que l’automobile, la construction navale ou l’électronique.

Economie du travail forcé: la mesure du coût de la coercition

Notre dernier rapport mondial estimait à 31,7 milliards de dollars le total des profits illicites produits en une année par les travailleurs forcés, dont 28 milliards extorqués aux victimes de l’exploitation sexuelle forcée à des fins commerciales. En d’autres termes, nous avons estimé que tous ceux qui étaient impliqués dans les circuits de la traite réalisaient quelque 4 milliards de dollars en dehors de l’industrie du sexe. Nos chiffres de 2005, bien qu’élevés, ont réellement sous-estimé les profits générés par la traite, voire par le travail forcé, dans des secteurs à risque de l’économie.

En se fondant sur les données relatives aux salaires moyens pratiqués dans les activités qui connaissent une forte incidence de travail forcé, et à nos données régionales sur le travail forcé, notre nouveau rapport global estime que le coût financier de la coercition serait d’environ 21 milliards de dollars (exploitation sexuelle exclue). Que représente ce chiffre ? Dans le cadre du travail forcé, il y a une perte de revenu pour les travailleurs par rapport à une relation de travail libre. La perte de revenu liée à la coercition est principalement de deux sortes. Premièrement, les travailleurs forcés perçoivent un salaire inférieur au taux du marché, parfois moins que le minimum vital. Les victimes paient parfois des tarifs exorbitants pour leur hébergement, leur nourriture, etc. Le sous paiement correspond aussi à des heures supplémentaires imposées et à d’autres formes de travaux non rémunérés ou mal payés. La deuxième source de perte de revenu est liée, principalement, aux frais de recrutement. Les travailleurs migrants qui tombent entre les mains de trafiquants doivent acquitter toute une série de frais : sommes versées à l’agence de recrutement ou à l’intermédiaire, financement d’une formation exigée par le pays de destination, y compris des cours de langue, frais de visa et de transport. Si ces frais sont le lot de tous les types de travailleurs migrants, les études révèlent une corrélation positive entre le montant des dépenses liées au recrutement et la probabilité de devenir victime du travail forcé.

Les chiffres approximatifs que nous présentons constituent une raison indéniable de considérer le travail forcé comme une question économique, tout autant que morale ou liée aux droits de l’homme, et une raison pour les gouvernements de prêter davantage attention au travail forcé.

Quelles sont les réponses à apporter ?

La solution est dans un délicat mélange de poursuites judiciaires, prévention sensibilisation, protection des travailleurs migrants, mais aussi de réformes légales et politiques afin de s’attaquer aux racines du problème. En Europe comme aux Etats-Unis, on note une croissance lente mais constante du nombre de poursuite pénale de cas de traite. Il est également essentiel d’affiner les régulations du marché du travail, notamment en ce qui concerne la sous-traitance, mais également de donner plus de moyens aux inspecteurs du travail, afin d’améliorer la coordination entre leur travail et celui des officiers du Ministère de l’Intérieur.

Avec l’importance croissante des agences de recrutement, une autre question importante est l’enregistrement de ces agences et l’attribution de licence, ainsi que la surveillance de leurs activités et le contrôle des frais imposés afin d’éviter les cas de servitude pour dette. En 1997 a été adoptée une Convention importante sur les agences d’emploi privées qui pose le principe selon lequel les agences ne doivent prendre aucun frais de recrutement aux travailleurs, sauf cas exceptionnels en consultation avec le Gouvernement, les travailleurs et les employeurs. La Convention appelle également à prendre des mesures pour protéger les travailleurs migrants.

Dans mon pays d’origine, le Royaume-Uni, le dialogue social, entre Gouvernement, employeurs et syndicats, a permis l’adoption d’une nouvelle loi en 2004 pour attribuer une licence aux 2000 recruteurs non enregistrés connu sous le nom de « gangmasters ». La nouvelle loi a mis en place un système d’attribution de licence avec des mécanismes de contrôle des activités des recruteurs par une agence de contrôle, qui a déjà suspendu de nombreuses licences et a même enclenché plusieurs poursuites judiciaires.

L’éradication du travail forcé et de la traite ne pourra être obtenue que si les différents acteurs nationaux et internationaux coopèrent entre eux. Cependant chacun aborde la question sous un angle précis et la communication n’est pas toujours aisée. La rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans cette nécessité d’agir de façon coordonnée et concertée.

Chacun à son niveau peut avoir un impact décisif.

Si des personnes sont exploitées au travail à la suite d’un processus de traite, la justice du travail devrait être partie prenante de la réponse et de la solution. Les inspecteurs du travail ont la capacité de pénétrer sur tout lieu de travail et, s’ils ont reçus la formation adéquate, sont bien placés pour surveiller les méthodes de recrutement et de placement, et ainsi être capable de déceler les signes avant-coureurs d’exploitation. Ils peuvent ensuite, suivant la gravité, sanctionner eux-mêmes ou transmettre l’affaire au pénal.

En pratique toutefois, l’administration du travail est souvent maintenue à l’écart des dispositifs de lutte contre la traite. Tout d’abord, les inspecteurs du travail disposent rarement d’un mandat clair concernant la traite et le travail forcé, qui sont perçus comme des crimes relevant du pénal. De plus, leur champ d’action exclue parfois les secteurs économiques les plus touchés, tels que l’agriculture, le travail domestique ou l’industrie du sexe. Enfin, ils manquent souvent de moyens humains et financiers et d’équipement pour mener à bien leurs missions. Dans ce sens, l’engagement plus effectif des inspecteurs du travail dans la lutte contre la traite est avant tout une question de volonté politique.

Le rôle des juges est évident, en contribuant à mieux faire appliquer la législation en place et à sanctionner les coupables. Alors qu’un nombre toujours plus important de pays légifèrent contre la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ou commerciale, il devient essentiel d’aider les juges et les forces de l’ordre à identifier les actes criminels de travail forcé dans le secteur privé et de les sanctionner comme il se doit. Mais la législation et la réponse politique doivent aller plus loin. Quand il est difficile d’établir une limite entre ce qui ressort ou non du travail forcé, peut-être en raison d’un cadre juridique inadapté, les gouvernements doivent recourir au dialogue social pour régler la question.

Les élus, quant à eux doivent maintenir la question au sein des priorités politiques. Ce sont les parlementaires qui ont la capacité d’améliorer le cadre législatif. Pour éviter l’extension du travail forcé et de la traite, les gouvernements doivent être aussi attentifs à la crise qui affecte les marchés du travail qu’à celle qui sévit sur les marchés financiers. Ils doivent combler le vide juridique, parfois créé par la dérégulation, qui a permis à certains employeurs et intermédiaires sur le marché du travail de réaliser des profits substantiels et injustifiés aux dépens des déshérités du monde entier. Les politiques gouvernementales doivent être basées sur l’analyse de la demande sur le marché du travail, notamment en terme de main d’œuvre étrangère. La tendance actuelle en Europe est d’investir de gros moyens pour venir à bout de l’immigration illégale et du travail illégal, généralement via des sanctions contre l’employeur. Mais ces politiques auront peu de portée si les travailleurs nationaux ne sont pas prêts à occuper ces emplois et si les travailleurs étrangers ne peuvent pas entrer légalement. Cette situation de précarité est précisément ce qui génère la situation préalable nécessaire au développement de la traite et du travail forcé. Il est aussi fondamental que les pays d’origine et de destination des travailleurs migrants coopèrent, que ce soit au niveau des gouvernements, des ONG ou des syndicats.

Les employeurs, quant à eux, ont besoin d’éradiquer le travail forcé de leurs chaînes de production et d’approvisionnement, dans leur pays et à l’étranger. En fonction des situations, ils doivent évaluer quand ils peuvent maintenir un contrat avec un sous-traitant pour améliorer graduellement les conditions de travail, et quand, au contraire, il leur faut se désengager immédiatement pour ne pas être accusé de complicité pour travail forcé. Mais les employeurs doivent également participer aux débats sur les politiques à mener, notamment sur les frais de recrutement et la sous-traitance, et sur les moyens de contrôle ou d’autocontrôle.

Enfin, les journalistes ont un rôle clé. D’abord parce que ce sont souvent de solides reportages d’investigation qui poussent les gouvernements à s’attaquer à un problème. Ensuite, ils peuvent aider à sensibiliser le grand public qui peut parfois avoir un sentiment ambivalent, associant travail forcé avec immigration illégale et sans-papiers. Parfois des images chocs sont nécessaires pour montrer l’étendue de la souffrance des victimes. Enfin, ils ont une responsabilité pédagogique importante. Les amalgames sont faciles et les journalistes peuvent contribuer au sensationnalisme de bas étage ou au contraire à une analyse poussée de la question.

Notre programme a travaillé ces dernières années à l’élaboration d’outils spécifiques : un manuel pour les inspecteurs du travail, un recueil de jurisprudence pour les magistrats, mais aussi un guide pour les employeurs et plusieurs outils à destination des syndicats. Ces ouvrages ont pour objectif de contribuer à la sensibilisation mais ont aussi vocation à être utilisés comme de véritables outils de formation. Vous pouvez trouvez tous ces documents sur notre site Internet (l’adresse est dans le programme) mais nous pouvons également vous en faire parvenir des copies papier.

Chaque pays doit mener ses propres études, qualitatives et quantitatives, avec l’aide des outils que j’ai mentionné précédemment. Les travaux de recherche que nous avons mené en Allemagne et au Portugal conjointement avec le Ministère du Travail peuvent être de bons exemples pour les autres pays, y compris la France. L’objectif étant de mieux connaître pour mieux combattre, que ce soit les populations à risque, les routes et filières de traite, l’ampleur du problème par secteur.

La France va de l’avant. Après le lancement du groupe interministériel d’assistance aux victimes de traite d’êtres humains, le BIT est heureux d’être associé à cette réunion technique qui doit être un espace de rencontre et de discussion entre les différents acteurs qui travaillent sur ces problématiques, chacun selon l’angle qui leur est propre. La réunion d’aujourd’hui va dans ce sens, et si elle permet d’œuvrer pour plus de coopération, elle aura rempli sa mission. J’espère que les ateliers donneront lieux à des débats animés afin de pouvoir contribuer de façon substantielle aux recommandations de la CNCDH, mais aussi, plus largement, à nourrir la dynamique qui a été enclenchée en France afin d’éradiquer le travail forcé de son territoire.

Roger Plant

Chef du Programme d’Action Spécial pour Combattre la Travail Forcé

Bureau International du Travail, Genève