7. Travail forcé

Développement durable

Travail décent

Economie Social Environnement Emploi Protection Droits Dialogue
Cibles ODD Pertinentes
5.2, 8.7
Résultats stratégiques pertinents
8, 10

Sur cette page : Relation ATD-ODD | Eléments transversaux pour l’élaboration des politiques | Partenariats | Capacités de l’OIT | Ressources

Le travail forcé prend différentes formes, y compris la servitude pour dettes, la traite et d'autres formes d'esclavage modernes. Les victimes en sont les groupes les plus vulnérables – les femmes et les filles forcées de se prostituer, les migrants pris dans l’engrenage de la servitude pour dettes, et les travailleurs d’ateliers ou d’exploitations agricoles bloqués par des méthodes clairement illégales, et très faiblement – voire pas du tout – rémunérés. Bien que le travail forcé soit universellement condamné, les estimations de l’OIT révèlent que 20,9 millions de personnes dans le monde sont encore victimes du travail forcé, dont des femmes et des filles pour plus de la moitié. Les données disponibles indiquent que les chiffres des victimes du travail forcé ne baissent pas, voire sont à la hausse.

Selon la Convention (n°29) sur le travail forcé, 1930, le travail forcé est défini comme tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré. Il peut exister lorsqu'une personne est forcée à travailler par les autorités de l'Etat, par des entreprises privées ou par des personnes. La notion de travail forcé recouvre un large éventail de pratiques coercitives qui apparaissent dans tous les types d’activités économiques et dans toutes les régions du globe (36).

Sur l’ensemble des victimes du travail forcé, 18,7 millions de victimes sont exploitées dans l’économie privée, par des individus ou des entreprises, et les 2,2 millions de victimes restants subissent des formes de travail forcé imposées par l’Etat. Parmi les victimes exploitées par des individus privés ou des entreprises, 4,5 millions sont victimes d’exploitation sexuelle forcée et 14,2 millions victimes d’exploitation par le travail forcé. Le travail forcé dans l’économie privée génère annuellement 150 milliards de dollars des Etats-Unis en profits illégaux.

On trouve encore des vestiges de l’esclavagisme dans certaines régions d’Afrique, alors que le travail forcé sous forme de recrutement coercitif et frauduleux se rencontre dans de nombreux pays d’Amérique latine et ailleurs. Dans de nombreux pays, les travailleurs domestiques se trouvent piégés dans des situations de travail forcé et, dans bien des cas, ils sont empêchés de quitter le domicile de leur employeur par la menace ou la violence. La servitude pour dettes existe encore en Asie du Sud, où des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont enchaînés à leur emploi par un cercle vicieux de l’endettement. En Europe et en Amérique du Nord, de plus en plus de femmes et d’enfants sont victimes de la traite à des fins de travail ou d’exploitation sexuelle. La traite des êtres humains a fait l’objet d’une attention croissante de la communauté internationale au cours des dernières années. Enfin, le travail forcé est encore parfois imposé par l’Etat à des fins de développement économique, ou pour sanctionner ceux qui expriment leurs opinions politiques (37).

Les travaux de l’OIT sur l’éradication du travail forcé reposent sur deux conventions fondamentales complétées par un protocole :
  • La convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 interdit toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. En sont exclus le service militaire obligatoire, les obligations civiques normales, comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire, le travail exigé dans les cas de force majeure et les menus travaux de village accomplis par des membres de la communauté dans l’intérêt direct de cette dernière.
  • La convention (n° 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957 interdit le travail forcé ou obligatoire en tant que mesure de coercition ou d'éducation politique ou en tant que sanction à l'égard de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l'ordre politique, social ou économique établi; en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'œuvre à des fins de développement économique; en tant que mesure de discipline du travail; en tant que punition pour avoir participé à des grèves; en tant que mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
  • Le Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 et la Recommandation (n° 203) sur le travail forcé (mesures complémentaires), 2014 visent à faire progresser les mesures de prévention, de protection et de compensation, ainsi qu’à intensifier les efforts en vue d’éliminer les formes contemporaines d’esclavage. Le Protocole relatif à la convention sur le travail forcé est entré en vigueur le 9 novembre 2016 et a obtenu sa deuxième ratification un an après. Ceci signifie que tous les pays qui l’ont ratifié doivent satisfaire aux obligations énoncées dans le Protocole.
La stratégie de l’OIT pour lutter contre le travail forcé préconise les points d’actions suivants (38):
  • Sensibiliser au travail forcé et promouvoir la ratification des instruments correspondants;
  • Améliorer les statistiques, la collecte de données et la recherche à l’appui de meilleures politiques;
  • Améliorer les politiques, les plans d’action et la capacité des institutions nationales et régionales à combattre le travail forcé et la traite des êtres humains;
  • Renforcer la législation pour protéger les victimes, prévenir et proscrire le recours au travail forcé;
  • Promouvoir des pratiques de recrutement équitables et une bonne gouvernance des migrations;
  • Soutenir l’autonomisation des populations exposées et appréhender les causes profondes du travail forcé;
  • Appliquer efficacement la législation pénale, du travail et les autres législations pertinentes; et
  • Protéger les victimes du travail forcé et leur donner accès à des solutions.

Relation ATD-ODD

La résolution « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 », adoptée en septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations Unies déclare au paragraphe 27 : « Nous éliminerons le travail forcé et la traite des êtres humains et mettrons fin au travail des enfants sous toutes ses formes ». Cet objectif est en outre clarifié dans la cible 8.7 des ODD qui exhorte la communauté internationale à « prendre des mesures immédiates et efficaces pour supprimer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage moderne et à la traite d’êtres humains,...». L’action internationale visant à abolir le travail forcé contribue également à la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative à l’esclavage (1926) ratifiée par 99 pays.

Le travail forcé sous toutes ses formes peut être considéré comme l’antonyme du travail décent, et l’éradication du travail forcé fait progresser l’Agenda du travail décent dans toutes ses dimensions. Comme mentionné plus haut, l’élimination du travail forcé fait l’objet de deux des huit conventions fondamentales de l’OIT, qui doivent être respectées par tous les Etats membres de l’OIT, qu’ils les aient ratifiées ou pas. Tous les mandants de l’OIT participent à la lutte contre le travail forcé et les vestiges de l’esclavagisme.

Eléments transversaux pour l’élaboration des politiques

L’élimination du travail forcé ne fait pas seulement l’objet des conventions fondamentales susmentionnées, du Protocole de 2014 et de la recommandation n° 203, d’autres instruments de l’OIT y font indirectement référence, ainsi que sa Constitution, dont le préambule déclare : « Attendu que la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain;..», et la Déclaration de Philadelphie, qui affirme que « tous les êtres humains, quels que soit leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales ».

La lutte contre le travail forcé mobilise les gouvernements, les employeurs, les travailleurs et la société civile dans son ensemble, et le dialogue social est une stratégie essentielle pour relever ce défi. Dans le secteur privé, de nombreux codes, accords et initiatives se réfèrent à l’interdiction du travail forcé. A la fois l’OIE et la CSI ont des sites web consacrés au travail forcé et à la traite des êtres humains.

Environ 60 pour cent des victimes du travail forcé et de traite sont des femmes, dont la majorité sont livrées à l’exploitation sexuelle ou exploitées dans l’agriculture ou les travaux domestiques. Ceci exige des stratégies sexospécifiques et sensibles à l’égalité entre hommes et femmes pour mettre fin au travail forcé.

Partenariats

Les activités de terrain dans le domaine du travail forcé sont soutenues par des ressources extra-budgétaires assez importantes des partenaires pour le développement, tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne. En 2013, l’OIT, avec le soutien de l’OIE, de la CSI et de nombreuses autres organisations, a lancé la campagne « 50 pour la liberté » dans le but de persuader au moins 50 Etats membres de l’OIT à ratifier le Protocole de 2014. Huit ratifications ont été enregistrées à ce jour. L’Alliance 8.7, formée en 2016, réunit des gouvernements, des travailleurs, des employeurs et des organisations de même sensibilité, pour éradiquer à la fois le travail forcé et le travail des enfants.

Capacités de l’OIT

En 2002, la lutte contre le travail forcé a été dynamisée par le lancement d’un Programme d’action spécial pour combattre le travail forcé (SAP-FL). Celui-ci était destiné à sensibiliser et à informer sur le travail forcé moderne, à aider les gouvernements à élaborer et mettre en œuvre de nouvelles lois, politiques et plans d’action, à développer du matériel de formation sur des aspects essentiels du travail forcé, et à mettre en œuvre des projets sur le terrain. A la suite de la décision prise en 2014 de concentrer les travaux de l’OIT sur les huit conventions fondamentales dans une seule unité (nommée FUNDAMENTALS), ce Programme a fusionné avec l’IPEC pour former le programme phare IPEC+, lancé en 2016.

Avec une équipe relativement petite au siège et pas de spécialiste technique dédié au travail forcé, la capacité de l’OIT dans ce domaine dépend dans une large mesure de ressources extra-budgétaires. Au cours des dernières années, la sensibilisation de la communauté mondiale des donateurs sur la question du travail forcé s’est accrue, et, récemment, des programmes régionaux relativement importants ont été adoptés. Espérons que cet élan se poursuive au travers des travaux de l’Alliance 8.7.

Ressources

Une liste actualisée des projets de l’OIT liés au travail des enfants et au travail forcé est disponible sur la page Projets du service FUNDAMENTALS. Des publications et documents sur le travail forcé peuvent être trouvés sur la page Publications du thème. Des statistiques et des indicateurs sur le travail forcé et la traite sont également disponibles.

36. OIT. Travail forcé, esclavage moderne et traite des êtres humains. Bureau international du Travail - Thèmes. [En ligne] 7 Novembre 2016. https://www.ilo.org/global/topics/forced-labour/lang--fr/index.htm.

37. —. Normes internationales du travail sur le travail forcé. Bureau international du Travail - Thèmes. [En ligne] 7 Novembre 2016. https://www.ilo.org/global/standards/subjects-covered-by-international-labour-standards/forced-labour/lang--fr/index.htm.

38. —. OIT - stratégie relevant du programme phare IPEC+. Genève : BIT Fundamentals, 2016.