STEP: le Népal fait un grand pas en avant dans le domaine de la santé

Au Népal, le Programme "STEP" de l'OIT (Stratégies et techniques contre l'exclusion sociale et la pauvreté) collabore avec des partenaires locaux pour mettre au point des systèmes de micro-assurance maladie et pour faciliter l'accès aux soins pour les travailleurs des secteurs informels. Ismène Stalpers, du BIT, explique comment ces systèmes mutualisent les risques et les ressources des collectivités locales.

TIKATHALI, Népal - Situé à une heure de Katmandou et non loin des montagnes de l'Himalaya, ce village poussiéreux mène une double vie. Pendant une partie de l'année, les habitants gagnent leur vie dans l'agriculture, l'enseignement ou d'autres services. Le reste du temps, ils travaillent aux fours locaux à la fabrication de briques.

Mais ce village se distingue d'une autre façon. En effet, c'est ici que les femmes courageuses qui dirigent la coopérative locale avaient décidé d'agir pour faire face aux besoins médicaux. La Coopérative des femmes pour la santé, qu'elles avaient créée, avait commencé avec tout juste 25 participantes; elle s'est élargie peu à peu et assure désormais une couverture médicale aux 300 membres de la coopérative, ce qui en fait un projet modèle au Népal.

"La participation au régime d'assurance maladie ne sert pas qu'à nous apporter des soins à prix réduit en cas de maladie, mais elle aide aussi indirectement ceux qui ne peuvent pas se payer ces soins", dit Sanu Thapa, adhérente de la coopérative, qui explique que le système encourage d'autres femmes pauvres à s'inscrire pour améliorer leur accès à des services de santé rapidement et facilement accessibles tout en étant abordables.

Le partage des risques

Le partage des risques n'est pas nouveau au Népal. L'entraide fait partie des traditions népalaises, elle est ancrée dans les liens familiaux et les relations communautaires. Autrefois, elle a servi à soutenir les collectivités en cas de désastres et de problèmes. Aujourd'hui, cette culture du partage des risques vient au secours de ceux qui rencontrent des problèmes de santé.

L'action permanente de l'OIT en matière de protection sociale dans le domaine de la santé encourage toutes sortes d'organisations, depuis la base jusqu'au gouvernement, à lancer des systèmes innovants de micro-assurance maladie. Le Public Health Concern Trust (trust pour la santé publique - PHECT-NEPAL) fait partie de ces initiatives. En 1992, un groupe de médecins établit une petite clinique dans le village afin d'apprendre à mieux fournir les services de santé - souvent destinés aux démunis. Un an plus tard, ils créèrent l'"hôpital modèle de Katmandou", qui est devenu un centre d'orientation pour la collectivité qu'ils ciblaient.

Au niveau local, PHECT-NEPAL a mis au point une structure de coopérative pour encourager la participation de la collectivité et lui donner un sentiment de responsabilisation en matière de services de santé. Le premier régime d'assurance fut créé en 1999 par le Comité pour le développement du village de Tikathali en collaboration avec la Coopérative des femmes pour la santé.

La Coopérative des femmes pour la santé anime une clinique avec un personnel de soins local, et une de ses adhérentes gère bénévolement une pharmacie. Les visites hebdomadaires du médecin dans la collectivité sont prises en charge par PHECT-NEPAL. La collectivité paie la coopérative des femmes pour la santé pour les soins.

Aujourd'hui, dans le cadre de PHECT-NEPAL, six coopératives sanitaires proposent un système de micro-assurance ainsi que des services de soins et de sensibilisation à près de 3 000 personnes. Les coopératives sanitaires sont constituées de groupes familiaux qui adhèrent ensemble. Chaque coopérative locale gère une clinique. Cependant, le programme collectif de PHECT-NEPAL n'est pas la seule coopérative sanitaire au Népal qui se soit engagée à mettre l'assurance maladie à la portée des pauvres.

La campagne publicitaire pour l'assurance maladie: "Tous pour un et un pour tous"

GEFONT, la Fédération générale des syndicats népalais, a aussi entrepris de faire connaître l'assurance maladie de type collectif. GEFONT est un des plus grands syndicats du Népal; c'est une confédération de 15 fédérations nationales de syndicats qui représentent quelque 350 000 membres; elle se consacre aux droits, au bien-être et à la dignité des travailleurs de différents secteurs économiques, comme les tapis, les textiles, le tourisme, les transports, la conduite de rickshaws, l'agriculture, la construction privée et publique.

Depuis le début des années soixante-dix, le syndicat assure le fonctionnement d'une caisse de prévoyance complète pour les travailleurs du secteur des transports et il a récemment reconnu le besoin qui existe en matière de protection de la santé pour ses membres. En 2000, une coopérative a été fondée pour mettre un système de soins et de services cliniques abordables à la disposition de ses membres. Depuis, plus de 500 personnes se sont inscrites.

GEFONT souhaite étendre la couverture maladie à tous ses travailleurs dans les cinq ans à venir. Dans le cadre d'une campagne nationale qui a pour slogan "Tous pour un et un pour tous", et avec l'appui technique de l'OIT, GEFONT est en train de mettre en place des coopératives sanitaires de travailleurs dans tout le pays et d'y réaliser des programmes de type micro-assurance.

Le régime de micro-assurance le plus ancien établi au Népal avait commencé par la mise en place de postes sanitaires locaux par la Mission unie au Népal. Elle avait fondé, il y a plus de 27 ans, le Régime d'assurance médicale de Lalitpur, couvrant surtout les médicaments indispensables qui étaient fournis aux postes sanitaires. Les Missions unies avaient aussi établi un régime permanent pour les habitants de Lalitpur et des alentours dans la vallée de Katmandou.

Les bénéficiaires de ce régime paient une cotisation annuelle qui leur permet de recevoir gratuitement des médicaments essentiels ainsi que des services de prévention et de promotion de la santé à un tarif modique. Pour les maladies graves, les postes sanitaires peuvent adresser les malades à l'hôpital de Patan dans la région de Lalitpur. Les femmes qui sont envoyées à l'hôpital sont soignées gratuitement en cas de grossesse à risque élevé.

Ce régime est également un projet modèle ici. Un transfert graduel des responsabilités des postes sanitaires se fait vers le gouvernement ou les comités sanitaires locaux, ce qui augmente sa capacité à perdurer.

Il existe un autre régime de micro-assurance prometteur; c'est le système le plus largement diffusé dans le pays et il est géré par un hôpital régional dans les contreforts des montagnes à l'est du Népal. Le directeur de l'hôpital, le Dr Narayan Kumar, qui en est aussi le fondateur et le concepteur, avait découvert les principes de l'assurance maladie lors d'un stage couvrant à la fois le programme STEP de l'OIT et le Centre de formation de l'OIT à Turin, il y a cinq ans. Motivé par cette idée nouvelle, il établit en 2000 un Régime d'assurance maladie collectif à l'Institut B. P. Koirala des sciences de la santé (BPKIHS) pour les habitants de Dharan et des environs.

Ce régime est désormais proposé par plus de 30 comités de développement des villages, des municipalités, des écoles et des universités, des organismes socioculturels et d'autres groupes locaux ainsi que des ONG et des organisations des populations autochtones. Ces organisations représentent 18 000 membres, et BPKIHS compte le plus grand nombre d'adhérents de tous les régimes d'assurance du Népal, couvrant tant le secteur formel qu'informel.

Le droit fondamental d'accès aux soins

Le gouvernement encourage vivement le développement de ces régimes d'assurance maladie. Lors d'une récente table ronde à l'OIT, le Dr Upendra Devkota, ancien ministre de la Santé, a déclaré que "l'accès aux services de santé est un droit qu'ont tous les citoyens. Personne ne doit être exclu du système de santé par manque de traitement, en raison de revenus faibles ou par la pauvreté. Il est tragique que certains doivent mendier le droit aux soins, car c'est un droit fondamental".

Que ce soit sous forme de coopérative de santé, de poste sanitaire ou d'assurance maladie dite collective, tous ces projets apportent une protection médicale à la base et s'efforcent d'offrir des soins peu coûteux. Bien gérés, les régimes de micro-assurance maladie peuvent contribuer à transformer radicalement la vie des personnes qui en sont habituellement exclues.

L'OIT appuie les orientations politiques par des moyens techniques et assure la programmation de projets d'assurance maladie engagés par le gouvernement. Elle encourage le rapprochement entre les politiques nationales et les initiatives locales. Le gouvernement, les syndicats et les ONG travaillent en partenariat à apporter la protection sociale et à revendiquer son élargissement. Leur travail conjoint en tant qu'organisateurs et revendicateurs trace la voie à l'élargissement du système de soins aux pauvres et aux désavantagés du Népal.

STEP, le programme de l'OIT, encourage ces initiatives dans le monde entier.

Pour plus de renseignements, contacter:
Ismène Stalpers, conseillère en protection sociale OIT/STEP, Bureau de l'OIT à Katmandou, Népal, kathmandu@ilo.org ou stalpers@ilo.org