Les droits des travailleurs et le développement des compétences, indispensables pour améliorer les résultats des migrations en Asie du Sud-Est, selon l’OIT et l’OIM

Dans un contexte de migrations croissantes entre pays de l’ASEAN, un rapport conjoint OIT/OIM évalue les changements intervenus dans la vie des travailleurs migrants, avant et après leur migration.

Communiqué de presse | 15 décembre 2017
BANGKOK (OIT Infos) – Les migrations de main-d’œuvre peuvent aboutir à des améliorations à long terme dans la vie des travailleurs migrants si leurs droits au travail sont protégés et qu’on leur donne l’occasion de perfectionner leurs compétences, indiquent l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans une nouvelle étude.

Publié à l’occasion de la Journée internationale des migrants le 18 décembre, le rapport «Risques et avantages: résultats des migrations de main-d’œuvre en Asie du Sud-Est» propose une évaluation bienvenue des expériences migratoires au sein de l’ASEAN.

Selon les statistiques les plus récentes de l’ONU, le nombre de migrants se rendant dans d’autres pays de l’ASEAN a été multiplié par cinq depuis 1990 et approche les 6,9 millions. Des millions d’autres sont employés sans statut légal et ne sont pas comptabilisés dans ces données officielles.

«Malgré une croissance rapide du nombre de femmes et d’hommes migrant en Asie du Sud-Est, les résultats pour les travailleurs migrants ne sont pas bien compris», déclare Ben Harkins, spécialiste technique de l’OIT et principal auteur du rapport.

Pour éclairer leurs travaux, les programmes TRIANGLE in ASEAN de l’OIT et PROMISE de l’OIM ont collaboré à l’enquête régionale auprès de plus de 1 800 migrants du Cambodge, de la République démocratique populaire lao, du Myanmar et du Viet Nam qui ont été employés en Thaïlande ou en Malaisie.

L’étude a mis au point un Indice des résultats des migrations (MOI en anglais) afin de mesurer en quoi la vie des migrants avait changé après leur émigration. L’Indice élargit la manière de mesurer ces résultats en incorporant à la fois des éléments sociaux et des éléments économiques.

Selon M. Harkins, «le MOI représente une rupture, non seulement avec la vision étroite consistant à comptabiliser les envois de fonds mais également avec le paradigme de la traite des êtres humains qui est très dominant en Asie du Sud-Est. Il permet une évaluation plus nuancée des expériences migratoires que la simple qualification “victime de la traite ou non”».

Garantir une expérience migratoire sûre et enrichissante

Pour parvenir à une meilleure compréhension des facteurs qui déterminent les résultats des migrations, l’étude a suivi les migrants tout au long de leur parcours. «Nous nous sommes fixé pour but de réévaluer quelques idées reçues concernant les pratiques et les conditions qui sont les plus profitables aux travailleurs migrants», a précisé M. Harkins.

«L’accent a beaucoup été mis sur la nécessité de modifier le comportement des migrants afin de prévenir l’exploitation et les pratiques abusives, en particulier en les encourageant à émigrer par des voies légales», observe M. Harkins. «L’idée étant que les migrants prennent des décisions risquées qui les mettent en danger».

Recours à des voies d’émigration régulières et irrégulières



Mais les données ne vont pas dans ce sens. «Nos conclusions laissent penser que le problème n’est pas tant que les travailleurs migrants fassent de mauvais choix mais qu’ils sont vulnérables aux abus quelles que soient leurs décisions. Ils forment une catégorie de travailleurs auquel de très nombreuses règles différentes s’appliquent. Les risques sont encore plus grands pour les femmes migrantes parce que leur travail est souvent sous-évalué et leur confère moins de protections au travail».

«Le plus important pour améliorer les résultats est de veiller à ce que tous les migrants bénéficient des droits fondamentaux au travail, tels que le salaire minimum, y compris les femmes et les hommes employés dans l’économie informelle. Cela suppose un changement de politique et de pratique de la part des gouvernements, des employeurs et des agences de recrutement, plutôt qu’un changement du comportement des travailleurs migrants», explique M. Harkins.

Violations des droits au travail et accès à la justice pour les travailleurs migrants


L’étude indique aussi la nécessité de faciliter l’accès à des possibilités de perfectionnement des compétences pour les travailleurs migrants. Les migrants qui ont augmenté le niveau de qualification de leur emploi avant et après leur migration ont obtenu de bien meilleurs résultats à long terme.
«Le développement des compétences et leur validation en partenariat avec les employeurs peuvent aider les travailleurs migrants à obtenir des postes mieux rémunérés et de meilleures conditions de travail, amplifiant leur contribution à l’économie», déclare Anna Platonova, Directrice du programme de l’OIM en Thaïlande.

Grâce à l’amélioration du niveau de vie, les migrations de main-d’œuvre peuvent avoir un impact durable sur la réduction de la pauvreté au sein de l’ASEAN. «Nous constatons que le nombre de migrants vivant sous le seuil de pauvreté a été réduit de 11 pour cent après leur retour», a ajouté Mme Platonova. «Cela indique que la migration peut être utile pour réduire la pauvreté dans la région».

La migration, une voie pour s’affranchir de la pauvreté

Réorienter les politiques migratoires dans l’ASEAN

Si les bienfaits des migrations de main-d’œuvre n’ont pas été maximisés en Asie du Sud-Est, les résultats de l’étude montre que des résultats positifs peuvent être obtenus si les travailleurs migrants sont traités de manière équitable et qu’on leur donne l’occasion des développer leurs capacités.

Le rapport invite à réorienter la gouvernance des migrations de main-d’œuvre dans l’ASEAN vers une approche davantage centrée sur les migrants. «Nous devons avoir l’ambition d’augmenter le nombre de travailleurs migrants qui tirent un bénéfice global de leur expérience migratoire, plutôt que de simplement augmenter les rentrées de devises à l’échelle nationale», conclut M. Harkins.

L’étude a été financée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce d’Australie, Affaires mondiales Canada et la Direction suisse du développement et de la coopération, par le biais des programmes TRIANGLE in ASEAN de l’OIT et PROMISE de l’OIM.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter:

  • Ben Harkins, Spécialiste technique pour TRIANGLE in ASEAN, Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique - harkins@ilo.org>
  • Anna Platonova, Directrice du programme, Mission de l’OIM en Thaïlande - aplatonova@iom.int