Pièces d’identité des gens de mer

Sécurité et permissions à terre des gens de mer selon la convention n° 185

Du 10 au 12 février, la Commission tripartite maritime ad hoc, constituée pour proposer des amendements à la convention (n° 185) sur les pièces d’identité des gens de mer (révisée), 1983, s’est réunie pour examiner les difficultés que les exigences de sécurité font peser sur l’accès des gens de mer aux permissions à terre. Brandt Wagner, chef de l’unité Transport maritime du Département des activités sectorielles de l’OIT, s’est entretenu avec OIT Info au sujet de la réunion et son traitement des questions de permission à terre et de sécurité.

Analyse | 24 mars 2016
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Qu’est-ce que la convention (n° 185) sur les pièces d’identité des gens de mer, 2003 (révisée)?

Depuis 2001, les efforts internationaux se sont multipliés pour améliorer la sécurité maritime. La convention n° 185, adoptée en 2003, prévoit que les gens de mer détiennent des documents permettant une identification fiable, lorsqu’ils débarquent dans un port étranger par exemple. Cela accroît la sécurité tout en facilitant les permissions à terre et les déplacements professionnels des gens de mer. La convention améliore par conséquent la sécurité tout en favorisant le travail décent.

Quelle est la place des permissions à terre dans la garantie du travail décent pour les gens de mer?


Les gens de mer passent le plus clair de leur temps de travail en mer. Un navire est un milieu confiné, où l’on vit et travaille chaque jour, jour après jour, avec les mêmes personnes, dans les mêmes espaces de vie et de travail. Quand leur navire arrive au port, les marins sont impatients d’aller à terre, même pour quelques heures, et de descendre du bateau. C’est traditionnellement une dimension importante de la vie des marins.

Descendre à terre donne l’occasion de se relaxer et de se ressourcer, voire d’obtenir de l’aide quand c’est nécessaire. Les gens de mer se rendent souvent dans des installations de bien-être pour gens de mer, qui peuvent fournir des services qui ne sont pas toujours disponibles sur les navires, tels que l’usage du téléphone et d’internet pour contacter leur famille ou l’accès à des soins médicaux. Souvent, il s’agit seulement pour le marin de découvrir autre chose que son seul navire, ses compagnons de voyage ou la mer. La permission à terre contribue à la santé physique et psychologique. Il est indispensable de garantir le droit à une permission à terre pour attirer de nouveaux marins et pour retenir les marins expérimentés, ce qui contribue en retour à la sûreté, à la sécurité et à la protection de l’environnement marin et, indirectement, à la préservation du commerce international.

Ces dernières années, quelles ont été les difficultés pour prendre une permission à terre ou accéder au transit?

Le transport maritime a gagné en efficacité. Par le passé, les navires devaient passer des jours et parfois des semaines au port. Aujourd’hui, c’est rare parce que les cargos sont chargés et déchargés rapidement et les navires reprennent vite la mer. Même les bateaux de croisière embarquent et débarquent rapidement leurs passagers. Les terminaux maritimes modernes sont généralement situés loin des centres-villes, ce qui empêche de plus en plus les marins de quitter l’enceinte du terminal. Tout ce qui ralentit ou empêche les gens de mer de descendre à terre ou de se déplacer, y compris l’accentuation des mesures de sécurité, affecte leur vie professionnelle et personnelle.

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Plus récemment, les attaques terroristes et autres événements retentissants ont conduit au renforcement de la sécurité dans les ports et les terminaux maritimes. Sans identification appropriée, les gens de mers peuvent se voir refuser l’autorisation de débarquer. La navigation est une profession très internationale et les gens de mer doivent souvent effectuer de longs périples, franchir de nombreuses frontières, pour rejoindre ou quitter leur navire. Il est donc crucial de faciliter leurs permissions à terre et leur transit.

Les Etats veulent s’assurer que toute personne mettant pied à terre ou embarquant à bord d’un navire, ou se déplaçant en provenance ou à destination d’un navire, puisse être clairement identifiée et prouver qu’elle est un marin. Une ancienne convention de l’OIT, adoptée en 1958, prévoyait des documents d’identité pour les gens de mer mais avec l’évolution des problèmes de sécurité, il est devenu nécessaire de renforcer ses dispositions pour améliorer les caractéristiques de sécurité des documents tout en continuant de faciliter l’accès des gens de mer aux permissions à terre et au transit.

Quelle était la proposition présentée à la commission ad hoc?

Au moment de l’adoption de la convention n°185 en 2003, la technologie de référence pour les documents d’identité des gens de mer était un modèle avec empreinte digitale traduite sous forme de code-barres bidimensionnel. Cependant, avec le développement de la biométrie, la technologie la plus répandue pour les documents d’identité est une image faciale stockée dans une puce électronique sans contact. C’est le même modèle biométrique que celui qui est utilisé dans les passeports électroniques internationaux qui réponde aux spécifications de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pour les passeports, visa et cartes d’identité («documents de voyage») lisibles à la machine que l’on utilise pour franchir les frontières. De plus en plus de pays délivrent des passeports électroniques et ont investi dans l’équipement nécessaire pour délivrer et lire des documents conformes aux spécifications de l’OACI.

Heureusement, la convention n°185 a été élaborée avec le souci de permettre à ses dispositions de suivre l’évolution des technologies. Cela fut fait en plaçant les éléments techniques dans des annexes susceptibles d’être actualisées selon une procédure expresse. Dans l’esprit des recommandations faites par des experts de l’OIT réunis en 2015, et des décisions prises ensuite par le Conseil d’administration de l’OIT, une commission tripartite maritime ad hoc réunie en février 2016 a été chargée d’envisager des amendements à ces annexes. Après d’intenses discussions, les amendements proposés ont été adoptés. Les futurs documents d’identité des gens de mer délivrés conformément à la version amendée de la convention n° 185 – qui doit encore être acceptée par les Etats Membres et adoptée par la Conférence internationale du Travail – utiliseront une image faciale stockée sur une puce électronique sans contact, ce qui facilitera leur acceptation et leur usage.

La réunion de la commission ad hoc 2016 a aussi débattu puis adopté deux résolutions. L’une concernait les mesures transitoires, y compris des recommandations sur la date d’entrée en vigueur des amendements et sur le fait que l’impossibilité de lire la version actuelle des documents d’identité ne devrait pas être utilisée comme seule raison pour refuser l’entrée d’un marin sur son territoire, l’accès à une permission à terre ou au transit. La seconde recommandation évoquait, entre autres choses, les difficultés qu’éprouvent toujours les gens de mer pour bénéficier de permissions à terre et pour effectuer leur transit en provenance ou vers leur navire; elle appelait à prendre des mesures pour améliorer cette situation.

Quelle est la prochaine étape pour les amendements?

Le Conseil d’administration a discuté et adopté les résultats de la commission tripartite maritime ad hoc à sa session de mars 2016. La prochaine étape incombera à la Conférence internationale du Travail qui devra examiner et adopter les amendements et les résolutions lors de sa session 2016, du 31 mai au 11 juin.