Emploi des jeunes: pourquoi Nikola n'a plus les moyens d'attendre

Le festival EXIT de Novi Sad (Serbie), événement musical majeur en Europe, fut d'abord lancé pour lutter contre la guerre mais il oriente maintenant ses efforts vers la lutte contre le chômage des jeunes. Un nouveau rapport du BIT affirme qu'un jeune sur trois dans le monde est soit à la recherche d'un travail mais sans succès, soit a totalement abandonné la recherche d'un emploi, soit a un emploi mais vit toujours sous le seuil de pauvreté de 2 dollars par jour. Reportage de BIT en ligne depuis Novi Sad, en Serbie.

Article | 27 octobre 2006

 »  Vidéo: L'emploi des jeunes en Serbie (en anglais - 3.76 MB)

NOVI SAD (BIT en ligne) - A ses tout débuts en 2000, pour le festival de musique EXIT il s'agissait de sortir de la guerre. A présent, il s'agit de trouver du travail.

L'événement attire chaque été pendant quatre jours plus de 300 000 jeunes venus de toute l'Europe et quelques grands noms de la scène pop internationale. Quand on ne s'y déhanche pas au son de des groupes comme Franz Ferdinand, on y joue au foot avec le Commissaire de l'Union européenne chargé de l'élargissement, Olli Rehn, qui parle des perspectives d'avenir dans une Europe élargie.

"Les jeunes de ce pays, de cette région, peuvent voyager plus facilement à l'étranger, ils peuvent étudier et travailler dans un autre pays", déclare-t-il.

Mais cela ne signifie pas que les jeunes trouvent facilement du travail. "Cela dépend du poste que vous cherchez, affirme Nikola, l'un des jeunes qui participe au festival. Certaines personnes trouvent un emploi permanent, d'autres non. L'un des problèmes est la manière dont les jeunes sont perçus: ils font partie du problème du chômage, pas de la solution…".

Les gens comme Nikola n'ont plus les moyens d'attendre. Ils doivent gagner leur vie et donc accepter n'importe quel job qui se présente. Tout juste sorti de l'université, il conduit un taxi quand il ne travaille pas dans un hôtel de Belgrade. Il fait parfois des journées de quinze heures.

La situation de Nikola n'est pas un cas isolé. Un nouveau rapport du BIT sur l'emploi des jeunes atteste d'une crise mondiale de l'emploi des jeunes et des difficultés croissantes auxquelles ils sont confrontés à leur arrivée sur le marché du travail.

Selon le nouveau rapport du BIT, un jeune sur trois dans le monde est soit à la recherche d'un emploi mais n'en trouve pas, soit travaille mais touche moins de deux dollars par jour, ce qui est le seuil de pauvreté, soit a totalement abandonné la recherche d'emploi.

"Le chômage des jeunes n'est que la partie émergée de l'iceberg", déclare Sara Elder, co-auteur du rapport. "Bien que plus difficile à quantifier, il existe deux autres groupes qui à eux deux dépassent le nombre de jeunes sans emploi, mais qui souffrent des mêmes frustrations que les chômeurs: les jeunes découragés et les travailleurs pauvres".

Le rapport a de quoi inquiéter. Il affirme qu'environ 125 millions de jeunes travailleurs pauvres, soit plus de 20 pour cent des jeunes ayant un travail, vivaient dans des foyers disposant de moins de un dollar par personne en 2005. Et quelque 300 millions de jeunes travailleurs vivaient en dessous du seuil de pauvreté de 2 dollars par jour - plus de la moitié de l'ensemble des jeunes travailleurs - cette même année.

La situation de l'emploi des jeunes se détériore

Peu de changements se sont produits dans les tendances générales de l'emploi dans le monde depuis 2004 quand le BIT a publié son premier rapport sur le sujet. Mais comparé à 1995, la situation a continué d'empirer.

La main-d'œuvre mondiale des jeunes qui est la somme des jeunes employés et des jeunes chômeurs a crû de 602 à 633 millions, soit une hausse de 5,2 pour cent, entre 1995 et 2005 et devrait encore croître de 24 millions pour atteindre 657 millions en 2015. D'autre part, le nombre de jeunes sans emploi est passé de 74 à 85 millions entre 1995 et 2005 soit une augmentation de 14,8 pour cent. Aujourd'hui, un jeune a trois fois plus de risque de se retrouver au chômage qu'un adulte.

Selon le rapport, on observe d'importantes disparités régionales en termes de taux de chômage des jeunes. Les seules régions qui aient connu un recul notable au cours des 10 dernières années, ce sont les économies développées et l'Union européenne (UE).

En 2005, le plus fort taux de chômage régional des jeunes est enregistré au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avec 27,5 pour cent. L'Europe centrale et de l'Est (hors UE) et les pays issus de l'ex-URSS ont le deuxième plus fort taux avec 19,9 pour cent. Le taux de l'Afrique subsaharienne est de 18,1 pour cent, suivi par l'Amérique latine et les Caraïbes (16,6), l'Asie du Sud-Est et le Pacifique (15,8), les économies développées et l'UE (13,1), l'Asie du Sud (10 pour cent) et l'Asie de l'Est (7,8).

Gérer la transition de l'éducation à l'emploi

Le rapport étudie aussi les transitions éducation-emploi dans huit pays et territoires dans le monde. Les enquêtes révèlent le besoin de nouvelles politiques et de nouveaux programmes qui débouchent sur de meilleures perspectives d'emploi décent pour les jeunes; ce afin d'empêcher qu'ils ne tombent dans le cercle vicieux des travailleurs pauvres.

"L'objectif des enquêtes est de doter les décideurs politiques, les organisations d'employeurs, les syndicats et les jeunes eux-mêmes d'une information à jour sur les défis spécifiques du marché de l'emploi des jeunes afin que des politiques et des programmes appropriés soient conçus pour répondre à des besoins clairement évalués", précise Dorothea Schmidt, co-auteur du rapport. "Sans la perspective de bien démarrer sur le marché du travail, les jeunes sont moins à même de faire des choix qui peuvent améliorer leurs propres possibilités d'emploi et celles de leur progéniture à venir. Et c'est ce qui perpétue le cycle d'une éducation insuffisante, d'un emploi à faible productivité et des travailleurs pauvres d'une génération à l'autre."

Le rapport tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme déjà tirée par les Nations Unies pour le développement de stratégies destinées à donner aux jeunes la chance de réaliser au mieux leur potentiel productif à travers un travail décent. L'emploi des jeunes est un thème central des Objectifs du Millénaire pour le Développement et a été réaffirmé comme tel par les ministres et les chefs de délégation participant au Débat de haut niveau de la session de fond 2006 du Conseil économique et social.

Reconnaissant que l'échec à intégrer les jeunes sur le marché du travail a des conséquences plus largement sur la prospérité future et le développement des pays, en juin 2005, les mandants de l'OIT ont adopté une résolution sur l'emploi des jeunes qui prévoyait un "plan d'action de l'OIT pour promouvoir les voies d'accès au travail décent" ( Note 2).

"L'un des éléments de cette stratégie est de renforcer notre connaissance de la nature et des dimensions de l'emploi des jeunes, du chômage et du sous-emploi. C'est le principal objectif des Tendances de l'emploi des jeunes dans le monde", conclut Mme Elder.

Cliquer ici pour d'autres reportages vidéo sur l'emploi des jeunes (en anglais).


Note 1

Note 2 - OIT: " Conclusions sur la promotion de voies d'accès au travail décent pour les jeunes", paragraphe 5, CIT, 93e session (Genève, 2005).