Nouveau rapport sur la violence contre les enfants: le cadre du lieu de travail Tolérance zéro pour les actes de violence contre les enfants sur le lieu de travail
Un nouveau rapport des Nations Unies sur la violence contre les enfants est présenté à l'Assemblée générale des Nations Unies cette semaine. Un de ses chapitres notamment est consacré à la violence dont sont victimes les enfants qui travaillent. Selon ce rapport, il faut appliquer le principe de tolérance zéro pour tout acte de violence perpétré contre les enfants qui travaillent - que le travail soit légal ou non. Frans Roselaers, directeur du Département des partenariats et de la coopération pour le développement du BIT et membre du comité de rédaction du rapport ajoute que si la fin du travail des enfants est un objectif à notre portée, éradiquer la violence contre ces enfants est une absolue et urgente nécessité.
BIT en ligne: Ce nouveau rapport vise à
sensibiliser l'opinion mondiale de cette
réalité qu'est la violence contre les
enfants au travail. Pourquoi ne l'a-t-on pas
fait plus tôt?
Frans Roselaers: Jusqu'ici, les
programmes de lutte contre le travail des enfants
ne se sont guère intéressés à
cette question. Si de nombreux programmes traitent
des abus et de la violence, c'est dans un cadre
plus large qui analyse les différents aspects
de la question: causes économiques et
culturelles, promotion de l'éducation et
activités de substitution, mobilisation
sociale destinée à faire évoluer les
mentalités.
BIT en ligne: L'expérience montre que,
lorsque l'on parvient à soustraire au
travail légal les enfants qui n'ont pas
l'âge minimum, les intéressés se
retrouvent souvent dans des situations plus
dangereuses et illégales...
Frans Roselaers: Ce risque est réel
si l'on ne les prend pas en charge. Il faut
agir dans de multiples directions: mesures
législatives et arsenal répressif;
coopération avec les familles et les
communautés pour réduire la
nécessité et la probabilité
d'envoyer au travail garçons et filles;
efforts visant à arracher les enfants aux
lieux de travail où ils sont en butte à
la violence, aux dangers et à
l'exploitation; mobilisation sociale de la
société civile visant à faire valoir
le droit des enfants d'être traités
dignement au travail et de bénéficier
d'une éducation de qualité.
BIT en ligne: Selon le rapport, la
législation relative au travail des enfants
n'est guère appliquée...
Frans Roselaers: Plus de 80 pour cent
des enfants du monde vivent aujourd'hui dans
des pays qui ont ratifié les deux
conventions clés de
l'OIT. Depuis son adoption en 1999, la
convention n° 182, qui
vise les situations dangereuses et abusives, a
été largement ratifiée, ce qui a
contribué au doublement du taux de
ratification dont bénéficie
aujourd'hui la
convention n° 138 sur
l'âge minimum. Ce double succès
témoigne d'un fort consensus politique,
confirmé par le fait que nombre de
gouvernements ont entrepris de modifier leur
législation.
Cependant, l'application de la loi se heurte à de nombreux obstacles, parmi lesquels l'absence d'un système d'enregistrement des naissances efficace et universel et le fait que l'inspection du travail des pays en développement est moins performante que celle des pays industriels. Pour que la loi s'applique, il faut que l'on dispose d'une réglementation au niveau de l'entreprise et d'un véritable corps d'inspection, que l'emploi des enfants n'ayant pas atteint l'âge minimum soit passible de lourdes sanctions, que l'on fasse la guerre aux activités criminelles impliquant des enfants et que l'on assure la réinsertion des enfants soustraits au travail.
BIT en ligne: Pouvez-vous nous donner un exemple
d'opération réussie?
Frans Roselaers: Un bon exemple est
celui de l'accord conclu avec les Emirats
arabes unis (EAU) en mai 2005 au sujet de
l'affranchissement et du rapatriement vers leur
pays d'origine de 3 000 jeunes garçons
employés comme jockeys de chameaux et comme
valets d'écurie. Cette initiative illustre
le rôle complémentaire que peuvent jouer
les campagnes et les organisations internationales
en vue de mettre un terme à la traite et
à l'emploi des enfants à des
tâches dégradantes.
Autre bon exemple: Un projet de l' IPEC en Tanzanie apporte son appui à une ONG qui recense les enfants victimes d'abus physiques, psychologiques ou même sexuels en tant que travailleurs domestiques et les conduit à un centre où ils bénéficient d'un soutien psychosocial, sont scolarisés et reçoivent une formation professionnelle. Par la suite, certains de ces enfants créent leur propre entreprise avec l'aide de l'OIT.
BIT en ligne: Pourriez-vous expliquer en quoi
l'éducation et la scolarisation jouent un
rôle clé dans l'élimination du
travail des enfants?
Frans Roselaers: La scolarisation
universelle joue un rôle essentiel dans
l'élimination du travail des enfants et de
la violence dont ceux-ci sont victimes au travail.
L'éducation de base devrait être
obligatoire, tant pour les garçons que pour
les filles, et les Etats devraient être tenus
d'accroître les investissements qu'ils
consacrent à ce domaine. Par exemple, dans
l'Etat indien de Kerala et à Sri Lanka,
les progrès accomplis vers
l'éducation universelle se sont traduits
par une diminution du nombre des enfants qui
travaillent à plein temps, alors même que
la législation sur le travail des enfants
n'est guère appliquée.
BIT en ligne: Et qu'en est-il de la violence
contre les enfants?
Frans Roselaers: En elle-même, la
scolarisation aide les enfants à se
défendre, permet de lutter contre la violence
et favorise le règlement pacifique des
conflits.
BIT en ligne: Comment les enfants peuvent-ils se
défendre contre la violence?
Frans Roselaers: L'un des moyens les
plus efficaces de permettre aux enfants
d'échapper à l'exploitation et
à la violence au travail consiste à
faciliter leur participation à des programmes
destinés à lutter contre le travail des
enfants. Les enfants et les jeunes sont souvent
leurs meilleurs avocats, et il faudrait qu'ils
deviennent leurs propres porte-parole auprès
des responsables politiques, des employeurs, des
syndicats, des communautés, des organes
législatifs, des médias et de la
société tout entière.
BIT en ligne: Comment peut-on prévenir la
violence à l'encontre des enfants?
Frans Roselaers: Les programmes à
grande échelle, comme les "programmes
assortis de délais" sur les pires formes
de travail des enfants (PAD) du BIT comprennent
tout un jeu d'interventions couvrant la
prévention, l'affranchissement, la
réinsertion et la protection future.
Jusqu'ici, plus de 20 pays ont choisi cette
approche globale, tandis que plusieurs autres
s'engagent dans cette voie. Par exemple, la
Tanzanie s'est fixée pour objectif de
réduire de 75 pour cent le nombre des enfants
soumis aux pires formes de travail. Il ressort de
l'évaluation à mi-parcours que cet
objectif est respecté jusqu'ici.
BIT en ligne: Un mouvement mondial de
protestation contre le travail des enfants est
apparu au cours des dix dernières années.
Mais il y a encore beaucoup à faire - quoi
exactement?
Frans Roselaers: Les plans et programmes
mis en place ne tiennent pas suffisamment compte
des différentes formes de violence - physique,
psychologique et sexuelle - subies par les enfants.
Des efforts doivent être faits aux niveaux
national et international pour s'attaquer plus
efficacement à ces situations dangereuses ou
violentes, particulièrement dans les lieux
éloignés, illicites ou cachés. Par
ailleurs, il convient d'œuvrer avec les
syndicats et les organisations d'employeurs
à l'amélioration de la défense
des jeunes travailleurs. La lutte contre la
violence à l'encontre des enfants exige la
mise en place d'un large éventail de
mesures. Le problème doit être
abordé sous tous ses aspects: moyens
d'existence, droits de l'homme,
main-d'œuvre, santé et
sécurité, application de la loi, mesures
tendant à faire en sorte que les enfants
n'ayant pas atteint l'âge minimum ne
soient pas contraints de travailler. Le point de
départ essentiel consiste à ne
tolérer aucune violence à l'encontre
des enfants qui travaillent, où qu'ils se
trouvent.
Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site http://www.unviolencestudy.org/
Voir également l'interview vidéo de Frans Roselaers (en anglais uniquement)
Note 1 - Etude du Secrétaire Général des Nations Unies sur la violence contre les enfants. Le rapport tel que présenté à l'Assemblée générale est disponible en ligne: www.violencestudy.org/IMG/pdf/French.pdf. Le texte complet des conclusions de l'étude sera publié dans le livre intitulé Rapport mondial sur la violence contre les enfants, par Paulo Sérgio Pinheiro, à paraître en novembre 2006, "pré-lancé" le 12 octobre.