Nouveau rapport sur la violence contre les enfants: le cadre du lieu de travail Tolérance zéro pour les actes de violence contre les enfants sur le lieu de travail

Un nouveau rapport des Nations Unies sur la violence contre les enfants est présenté à l'Assemblée générale des Nations Unies cette semaine. Un de ses chapitres notamment est consacré à la violence dont sont victimes les enfants qui travaillent. Selon ce rapport, il faut appliquer le principe de tolérance zéro pour tout acte de violence perpétré contre les enfants qui travaillent - que le travail soit légal ou non. Frans Roselaers, directeur du Département des partenariats et de la coopération pour le développement du BIT et membre du comité de rédaction du rapport ajoute que si la fin du travail des enfants est un objectif à notre portée, éradiquer la violence contre ces enfants est une absolue et urgente nécessité.

Article | 12 octobre 2006

BIT en ligne: Ce nouveau rapport vise à sensibiliser l'opinion mondiale de cette réalité qu'est la violence contre les enfants au travail. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait plus tôt?

Frans Roselaers:
Jusqu'ici, les programmes de lutte contre le travail des enfants ne se sont guère intéressés à cette question. Si de nombreux programmes traitent des abus et de la violence, c'est dans un cadre plus large qui analyse les différents aspects de la question: causes économiques et culturelles, promotion de l'éducation et activités de substitution, mobilisation sociale destinée à faire évoluer les mentalités.

BIT en ligne: L'expérience montre que, lorsque l'on parvient à soustraire au travail légal les enfants qui n'ont pas l'âge minimum, les intéressés se retrouvent souvent dans des situations plus dangereuses et illégales...

Frans Roselaers:
Ce risque est réel si l'on ne les prend pas en charge. Il faut agir dans de multiples directions: mesures législatives et arsenal répressif; coopération avec les familles et les communautés pour réduire la nécessité et la probabilité d'envoyer au travail garçons et filles; efforts visant à arracher les enfants aux lieux de travail où ils sont en butte à la violence, aux dangers et à l'exploitation; mobilisation sociale de la société civile visant à faire valoir le droit des enfants d'être traités dignement au travail et de bénéficier d'une éducation de qualité.

BIT en ligne: Selon le rapport, la législation relative au travail des enfants n'est guère appliquée...

Frans Roselaers:
Plus de 80 pour cent des enfants du monde vivent aujourd'hui dans des pays qui ont ratifié les deux conventions clés de l'OIT. Depuis son adoption en 1999, la convention n° 182, qui vise les situations dangereuses et abusives, a été largement ratifiée, ce qui a contribué au doublement du taux de ratification dont bénéficie aujourd'hui la convention n° 138 sur l'âge minimum. Ce double succès témoigne d'un fort consensus politique, confirmé par le fait que nombre de gouvernements ont entrepris de modifier leur législation.

Cependant, l'application de la loi se heurte à de nombreux obstacles, parmi lesquels l'absence d'un système d'enregistrement des naissances efficace et universel et le fait que l'inspection du travail des pays en développement est moins performante que celle des pays industriels. Pour que la loi s'applique, il faut que l'on dispose d'une réglementation au niveau de l'entreprise et d'un véritable corps d'inspection, que l'emploi des enfants n'ayant pas atteint l'âge minimum soit passible de lourdes sanctions, que l'on fasse la guerre aux activités criminelles impliquant des enfants et que l'on assure la réinsertion des enfants soustraits au travail.

BIT en ligne: Pouvez-vous nous donner un exemple d'opération réussie?

Frans Roselaers:
Un bon exemple est celui de l'accord conclu avec les Emirats arabes unis (EAU) en mai 2005 au sujet de l'affranchissement et du rapatriement vers leur pays d'origine de 3 000 jeunes garçons employés comme jockeys de chameaux et comme valets d'écurie. Cette initiative illustre le rôle complémentaire que peuvent jouer les campagnes et les organisations internationales en vue de mettre un terme à la traite et à l'emploi des enfants à des tâches dégradantes.

Autre bon exemple: Un projet de l' IPEC en Tanzanie apporte son appui à une ONG qui recense les enfants victimes d'abus physiques, psychologiques ou même sexuels en tant que travailleurs domestiques et les conduit à un centre où ils bénéficient d'un soutien psychosocial, sont scolarisés et reçoivent une formation professionnelle. Par la suite, certains de ces enfants créent leur propre entreprise avec l'aide de l'OIT.

BIT en ligne: Pourriez-vous expliquer en quoi l'éducation et la scolarisation jouent un rôle clé dans l'élimination du travail des enfants?

Frans Roselaers:
La scolarisation universelle joue un rôle essentiel dans l'élimination du travail des enfants et de la violence dont ceux-ci sont victimes au travail. L'éducation de base devrait être obligatoire, tant pour les garçons que pour les filles, et les Etats devraient être tenus d'accroître les investissements qu'ils consacrent à ce domaine. Par exemple, dans l'Etat indien de Kerala et à Sri Lanka, les progrès accomplis vers l'éducation universelle se sont traduits par une diminution du nombre des enfants qui travaillent à plein temps, alors même que la législation sur le travail des enfants n'est guère appliquée.

BIT en ligne: Et qu'en est-il de la violence contre les enfants?

Frans Roselaers:
En elle-même, la scolarisation aide les enfants à se défendre, permet de lutter contre la violence et favorise le règlement pacifique des conflits.

BIT en ligne: Comment les enfants peuvent-ils se défendre contre la violence?

Frans Roselaers:
L'un des moyens les plus efficaces de permettre aux enfants d'échapper à l'exploitation et à la violence au travail consiste à faciliter leur participation à des programmes destinés à lutter contre le travail des enfants. Les enfants et les jeunes sont souvent leurs meilleurs avocats, et il faudrait qu'ils deviennent leurs propres porte-parole auprès des responsables politiques, des employeurs, des syndicats, des communautés, des organes législatifs, des médias et de la société tout entière.

BIT en ligne: Comment peut-on prévenir la violence à l'encontre des enfants?

Frans Roselaers:
Les programmes à grande échelle, comme les "programmes assortis de délais" sur les pires formes de travail des enfants (PAD) du BIT comprennent tout un jeu d'interventions couvrant la prévention, l'affranchissement, la réinsertion et la protection future. Jusqu'ici, plus de 20 pays ont choisi cette approche globale, tandis que plusieurs autres s'engagent dans cette voie. Par exemple, la Tanzanie s'est fixée pour objectif de réduire de 75 pour cent le nombre des enfants soumis aux pires formes de travail. Il ressort de l'évaluation à mi-parcours que cet objectif est respecté jusqu'ici.

BIT en ligne: Un mouvement mondial de protestation contre le travail des enfants est apparu au cours des dix dernières années. Mais il y a encore beaucoup à faire - quoi exactement?

Frans Roselaers:
Les plans et programmes mis en place ne tiennent pas suffisamment compte des différentes formes de violence - physique, psychologique et sexuelle - subies par les enfants. Des efforts doivent être faits aux niveaux national et international pour s'attaquer plus efficacement à ces situations dangereuses ou violentes, particulièrement dans les lieux éloignés, illicites ou cachés. Par ailleurs, il convient d'œuvrer avec les syndicats et les organisations d'employeurs à l'amélioration de la défense des jeunes travailleurs. La lutte contre la violence à l'encontre des enfants exige la mise en place d'un large éventail de mesures. Le problème doit être abordé sous tous ses aspects: moyens d'existence, droits de l'homme, main-d'œuvre, santé et sécurité, application de la loi, mesures tendant à faire en sorte que les enfants n'ayant pas atteint l'âge minimum ne soient pas contraints de travailler. Le point de départ essentiel consiste à ne tolérer aucune violence à l'encontre des enfants qui travaillent, où qu'ils se trouvent.

Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site http://www.unviolencestudy.org/

Voir également l'interview vidéo de Frans Roselaers (en anglais uniquement)


Note 1 - Etude du Secrétaire Général des Nations Unies sur la violence contre les enfants. Le rapport tel que présenté à l'Assemblée générale est disponible en ligne: www.violencestudy.org/IMG/pdf/French.pdf. Le texte complet des conclusions de l'étude sera publié dans le livre intitulé Rapport mondial sur la violence contre les enfants, par Paulo Sérgio Pinheiro, à paraître en novembre 2006, "pré-lancé" le 12 octobre.