VIOLATIONS DES DROITS DES TRAVAILLEURS EN IRAN, AU MYANMAR, AU MAROC, AU NIGERIA, AU SOUDAN ET AU SWAZILAND

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Dans le rapport qu'elle a présenté cette année à la Conférence internationale du Travail, la Commission de l'application des normes a estimé que le non-respect - en Iran, au Myanmar, au Maroc, au Nigéria, au Soudan et au Swaziland - des normes internationales du travail et notamment de celles relatives au travail forcé, à la discrimination et au droit d'organisation, était particulièrement préoccupant.

Communiqué de presse | 19 juin 1997

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Dans le rapport qu'elle a présenté cette année à la Conférence internationale du Travail, la Commission de l'application des normes a estimé que le non-respect - en Iran, au Myanmar, au Maroc, au Nigéria, au Soudan et au Swaziland - des normes internationales du travail et notamment de celles relatives au travail forcé, à la discrimination et au droit d'organisation, était particulièrement préoccupant.

Elle a cité trois de ces pays - le Myanmar, le Nigéria et le Soudan - pour défaut continu d'application des conventions ratifiées.

Cependant, la commission a constaté avec satisfaction que dans plusieurs cas, dont beaucoup ont trait aux droits fondamentaux de l'homme, les gouvernements ont introduit des changements dans leur législation et leur pratique. Dans un cas particulièrement ancien, concernant le droit d'organisation du personnel du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (CGHQ), au Royaume-Uni, où les travailleurs ont été très longtemps privés du droit de constituer des organisations de leur choix, elle a noté avec satisfaction que le gouvernement avait éliminé certaines divergences antérieurement discutées par la commission.

République islamique d'Iran -

C.111 Convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958

Lors des auditions de la commission, il a été allégué que la République islamique d'Iran continuait de pratiquer une discrimination systématique dans l'emploi sur la base du sexe, de la religion et de l'opinion politique. Compte tenu de la gravité des accusations, la commission a enjoint au gouvernement d'accepter dès que possible une mission de contacts directs.

Les problèmes concernant l'Iran portent notamment sur la discrimination à l'égard des femmes dans l'appareil judiciaire où, selon les informations recueillies, celles-ci n'occupent que des postes de conseillères ou des emplois administratifs dans le système judiciaire ou les services de protection de l'enfance.

Les plaintes font également état d'une discrimination fondée sur la religion, qui revêtirait trois formes: discrimination contre des religions officiellement reconnues, discrimination contre les religions qui ne sont pas officiellement reconnues (celle des Baha'is, par exemple) et discrimination à l'égard des musulmans qui ne respecteraient pas les préceptes de l'islam.

Maroc -

C.98 Convention sur le droit d'organisation
et de négociation collective, 1949

La commission a déploré avec une profonde préoccupation les nombreuses plaintes contre les mesures de discrimination antisyndicale et d'ingérence dans les activités syndicales, bien que le gouvernement se soit engagé à soumettre au parlement un projet de Code du travail pour rendre sa législation pleinement conforme à la convention no 98.

Elle a demandé instamment que l'instrument précité soit communiqué à la commission d'experts afin que celle-ci puisse examiner si ce texte garantit une protection adéquate aux travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et aux organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence.

Elle a en outre regretté que le gouvernement n'ait pas accepté la mission de contacts directs qu'elle a proposée il y a trois ans.

Myanmar -

C.87 Convention sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948

Compte tenu de la négation généralisée des droits fondamentaux de l'homme, y compris le droit à la liberté syndicale, le Myanmar a été mentionné à la fois dans un paragraphe spécial et pour défaut continu d'application de la convention no 87.

En outre, la commission a déploré que la commission d'experts n'ait pas reçu le rapport du gouvernement. Elle a également déploré l'absence de coopération de la part du gouvernement.

Rappelant qu'elle avait discuté du cas du Myanmar à de nombreuses reprises, en 1987, 1989, 1993, 1994, 1995 et 1996, la commission a constaté à grand regret l'absence de tout progrès et insisté auprès du gouvernement pour qu'il adopte les mesures nécessaires pour garantir, en droit et en pratique, aux travailleurs le droit de s'affilier au syndicat de leur choix afin de défendre leurs intérêts.

Nigéria -

C.87 Convention sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948

Le Nigéria a été mentionné dans un paragraphe spécial pour non-respect de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et pour défaut continu d'application de la convention. La commission a constaté avec une profonde préoccupation que ce cas avait déjà été cité dans un paragraphe spécial de ses rapports de 1995 et 1996, mais que aucun progrès concret n'a pu être relevé à ce jour en ce qui concerne la situation syndicale dans ce pays.

Elle a exhorté le gouvernement à accepter sans tarder une mission de contacts directs pour examiner la réalité syndicale au Nigéria - y compris la situation des dirigeants syndicaux incarcérés.

La commission a déploré l'aggravation de la situation des organisations syndicales au Nigéria et exhorté le gouvernement à abroger les décrets Nos 9 et 10 concernant la dissolution des comités exécutifs des organisations syndicales faisant l'objet de persécution de la part des autorités publiques. Elle a également invité le gouvernement à abroger le décret de janvier 1996, qui fixe un nombre déterminé d'organisations syndicales pour chaque catégorie professionnelle, ce qui ne peut que renforcer le système actuel de monopole syndical. La restructuration forcée a réduit le nombre des syndicats de 41 à 29.

Dans son rapport, la commission de l'application des normes fait observer que les décrets Nos 9 et 10 ont dissout les comités exécutifs du Congrès du travail du Nigéria (NLC), du Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz naturel (NUPENG) et de l'Association des cadres nigérians du pétrole et du gaz naturel (PENGASSAN), ajoutant que ces syndicats restent sous la tutelle d'un administrateur unique, désigné par le gouvernement.

L'adoption récente d'un certain nombre de décrets a détérioré davantage la situation des syndicats dans les secteurs de l'enseignement, des universités, des hôpitaux et des instituts de recherche. D'autres plaintes formulées de longue date portent sur l'emprisonnement de syndicalistes, des violations des droits de l'homme et l'interdiction faite aux syndicats de s'affilier à des fédérations et confédérations internationales.

Soudan -

C.29 Convention sur le travail forcé, 1930

En réponse aux graves accusations faisant depuis de nombreuses années état de la pratique du travail forcé et de l'esclavage au Soudan, la commission a décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial et de le citer pour défaut continu d'application de la convention no 29 sur le travail forcé.

Ces accusations portent sur les conditions d'esclavage, de servitude, de traite d'esclaves et de travail forcé, imposées aux ethnies Dinka, Shilluk et Nuer et aux tribus des monts Nouba, dans la partie méridionale du Soudan. Les membres de la commission se sont référés à des témoignages oculaires et des relations de première main attestant de violations flagrantes des droits de l'homme, encouragées ou commises directement par le gouvernement et ses forces de sécurité.

Les membres de la commission ont été saisis d'accusations selon lesquelles le nombre d'esclaves détenus dans le nord du Soudan est chiffré à plusieurs dizaines de milliers, les milices soutenues par le gouvernement procédant régulièrement à des raids contre les communautés africaines pour se procurer des esclaves et d'autres formes de butin. Les femmes et les enfants sont les principales victimes de ces raids au cours desquels les atrocités sont fréquentes.

Le gouvernement a répondu qu'il était déterminé à mettre fin au travail forcé et a exprimé l'opinion que les accusations avaient un mobile politique, arguant que les zones dans lesquelles le travail forcé aurait prétendument cours étaient aux mains de rebelles ou en proie à des guerres tribales.

Dans ses conclusions, la commission a rappelé qu'elle avait traité ce cas plusieurs fois au cours de ces dernières années et que le Soudan avait à trois reprises été mentionné dans des paragraphes spéciaux pour défaut d'application de la convention sur le travail forcé (en 1989, 1992 et 1993).

Elle déclare avoir été maintes fois saisies d'accusations selon lesquelles le travail forcé est imposé avec la complicité ou dans l'indifférence du gouvernement. Les mêmes allégations ont été formulées dans les différents rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation du Soudan et dans les observations communiquées par la Confédération mondiale du travail.

La commission a conclu que eu égard aux informations contradictoires reçues et à la persistance des allégations de violation de la convention, le gouvernement doit accroître ses efforts pour appliquer pleinement la convention, et demander l'assistance technique du Bureau.

Swaziland -

C.87 Convention sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948

La commission a constaté avec préoccupation que, malgré la mission de contacts directs d'octobre 1996 et le progrès ponctuel relatif au secteur de l'enseignement, la loi de 1996 sur les relations professionnelles contenait des dispositions qui contrevenaient aux principes fondamentaux de la liberté syndicale.

Ayant été saisie d'accusations selon lesquelles l'activité syndicale baigne dans un climat général de crainte et d'intimidation (violence contre les organisations syndicales et dissolution administrative), la commission s'est déclarée profondément préoccupée par les nombreuses divergences entre la législation et la pratique nationales d'une part, et les dispositions de la convention no 87 de l'OIT d'autre part.

Elle a instamment recommandé au gouvernement d'assurer le plein respect des libertés publiques, qui est essentiel pour l'application de la convention, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour lever les restrictions au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, de tenir des réunions et d'organiser des manifestations pacifiques. Elle a décidé d'inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial de son Rapport général.

Outre les cas susmentionnés, 22 gouvernements (*) ont donné des informations orales à la commission durant l'examen de leurs situations respectives. La Commission de l'application des normes étudie la manière dont les pays honorent les obligations que leur impose la Constitution de l'OIT et en particulier les conventions qu'ils ont ratifiées. Cette année, elle était composée de 237 membres (117 membres gouvernementaux, 32 membres employeurs et 88 membres travailleurs). Elle comprenait également 15 membres gouvernementaux adjoints, 44 membres employeurs adjoints et 102 membres travailleurs adjoints. En outre, 44 organisations non gouvernementales internationales étaient représentées par des observateurs.

Endnote:

(*) Bangladesh (C.87), Bélarus (C.87), Bolivie (C.87), Brésil (C.29), Colombie (C.87), Costa Rica (C.87), France (C.118, Convention sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962), Guatemala (C.87), Honduras (C.122, Convention sur la politique de l'emploi, 1964), Inde (C.107, Convention relative aux populations aborigènes et tribales, 1957), Indonésie (C.98, Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949), Malaisie (C.97, Convention sur les travailleurs migrants (révisée), 1949), Maroc (C.98), Myanmar (C.87), Népal (C.100, Convention sur l'égalité de rémunération, 1951), Nouvelle-Zélande (C.17, Convention sur la réparation des accidents du travail, 1925), Pakistan (C.29), Pérou (C.102, Convention concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, Sri Lanka (C.81, Convention sur l'inspection du travail [et protocole, 1995], 1947), Turquie (C.87), Ukraine (C.95, Convention sur la protection du salaire, 1949), Venezuela (C.87).