L'ECONOMIE AU SERVICE DE L'HOMME: ALLOCUTION DE M. JACQUES CHIRAC A LA CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL

GENEVE (Nouvelles du BIT) - «Pour réussir la mondialisation au bénéfice de tous (...) il faut mettre l'économie au service de l'Homme et non l'Homme au service de l'économie», a déclaré le Président Jacques Chirac dans une allocution prononcée aujourd'hui devant les délégués de la 83e Conférence internationale du Travail, à Genève.

Communiqué de presse | 11 juin 1996

GENEVE (Nouvelles du BIT) - «Pour réussir la mondialisation au bénéfice de tous (...) il faut mettre l'économie au service de l'Homme et non l'Homme au service de l'économie», a déclaré le Président Jacques Chirac dans une allocution prononcée aujourd'hui devant les délégués de la 83e Conférence internationale du Travail, à Genève.

Hôte d'honneur de la Conférence, le Président de la République française s'est adressé aux délégations des 173 Etats membres de l'Organisation internationale du Travail lors d'une séance spéciale de la Conférence au Palais des Nations.

«L'Organisation internationale du Travail a aujourd'hui soixante-dix-sept ans d'existence. Plus qu'aucune autre institution multilatérale, elle inscrit son action dans le temps et la durée.»

(...) «Face aux totalitarismes, l'Organisation a été l'une de ces petites flammes dans la nuit, qu'aucun vent mauvais n'a pu éteindre. Elle a été la garante d'une certaine idée de l'Homme, de la liberté et de la pérennité des normes sociales qu'elle avait élaborées.»

(...) «La France (...) est convaincue que, dans un monde qui change, qui change très vite, l'Organisation internationale du Travail a, plus que jamais, un rôle essentiel à jouer.»

(...) «La mondialisation ne se fait pas sans heurts ni sans difficultés. Dans les pays industrialisés, elle oblige à des restructurations rapides et donc douloureuses, dont les effets viennent aggraver la situation de l'emploi. Dans les pays les plus pauvres, elle peut creuser les inégalités; elle accentue les risques de marginalisation de certaines régions du monde.»

«Cette mondialisation, nous devons aujourd'hui mieux la maîtriser.»

(...) «Il nous faut d'abord réunir les conditions d'une croissance soutenue et riche en emplois. Tirer le meilleur parti des possibilités que nous offrent les nouvelles technologies, notamment celles de l'information.» (...) «Il nous faut aussi développer les activités de service. Définir de nouvelles formes d'organisation du travail, qui répondent à la fois aux besoins des entreprises et aux aspirations des salariés.»

«Il nous faut surtout investir dans l'Homme, en permettant à chaque travailleur d'accéder à la formation professionnelle tout au long de sa vie.»

(...) «A la notion d'emploi à vie doit désormais se substituer celle d'«employabilité». Derrière ce mot barbare, c'est en réalité une nouvelle organisation de notre société que les gouvernements, les employeurs et les syndicats doivent concevoir, afin de donner à chaque travailleur la possibilité de passer, tout au long de sa vie active, d'un emploi à un autre en recevant une formation adaptée et en conservant sa protection sociale.»

«Mais il nous faut également prévenir et combattre l'exclusion des travailleurs les moins qualifiés. En abaissant, là où elles sont trop élevées, les charges qui pèsent sur le travail non qualifié. En menant des politiques actives de retour à l'emploi des plus vulnérables. En aménageant nos systèmes fiscaux et sociaux pour que ce retour à l'emploi se traduise par une réelle progression de leurs revenus.»

«Pour réussir la mondialisation, nous devons les uns et les autres rester fidèles à nos modèles culturels, hérités de l'Histoire et de l'idée que nous nous faisons de l'Homme. C'est la raison de mon attachement profond au modèle social européen, fondé sur la protection sociale contre les aléas de l'existence, sur une tradition de dialogue social et de négociation collective et sur le rôle de l'Etat comme gardien et garant de la cohésion nationale.»

(...) «Mais nos réflexions doivent aussi, et d'abord, aller vers les pays les plus pauvres.» (...) «N'ayant accès ni aux capitaux ni aux marchés, les pays les plus démunis sont menacés de marginalisation.»

(...) «J'ai souhaité faire de l'aide au développement l'un des thèmes majeurs du Sommet du G7 que j'accueillerai à Lyon dans quelques jours.»

«Notre ambition doit être de maintenir un niveau suffisant d'aide publique et d'en accroître l'efficacité en réformant les institutions internationales chargées du développement, Mais ce nouveau partenariat implique également, de la part des pays en développement, la mise en place de politiques adaptées.»

«Pour réussir la mondialisation au bénéfice de tous, dans les pays industrialisés comme dans les pays en transition dans les pays émergents comme dans les pays les plus démunis, il faut mettre l'économie au service de l'Homme et non l'Homme au service de l'économie.»

«(...) Le Sommet mondial de Copenhague a souligné le rôle et l'expertise de l'OIT. Il a invité tous les Etats à ratifier et à appliquer les normes fondamentales élaborées par votre organisation et lui a confié la charge de participer à l'application du programme d'action du Sommet dans le domaine de l'emploi et du développement social.»

«Convaincu du rôle important de l'OIT dans l'accompagnement social du phénomène de la mondialisation, j'ai tenu à ce qu'elle soit, au même titre que l'OCDE, pleinement associée à la préparation et au suivi de la conférence du G7 sur l'emploi, qui s'est tenue à Lille.»

(...) «Comment ne pas évoquer (...) la dimension sociale du commerce international? L'OIT peut s'enorgueillir d'être la première enceinte mondiale où un débat constructif a pu s'engager sur cette question, malgré l'hostilité de certains, les espoirs peut-être excessifs d'autres, l'appréhension de beaucoup.»

(...) «Peut-on admettre, dans ce grand marché mondial, de graves entorses aux règles fondamentales de la démocratie sociale? Peut-on y tolérer des formes plus ou moins déguisées d'esclavage des adultes ou, pire, des enfants?»

(...) «La libéralisation du commerce, le développement de l'emploi et le respect d'un certain nombre de règles universelles qui garantissent la dignité de l'homme sont indissociables.»

«Ces droits fondamentaux sont connus: ils sont inscrits dans plusieurs conventions de l'OIT et le Sommet de Copenhague a rappelé la nécessité de s'y conformer. Il s'agit de la liberté syndicale et de la négociation collective, de l'abolition du travail forcé et de l'interdiction de l'exploitation du travail des enfants.»

(...) «La France souhaite que soient recherchés une articulation, un lien entre, d'une part, le respect de la dimension sociale s'exprimant dans les normes fondamentales que je viens de citer et, d'autre part, la libéralisation du commerce international.»

«Je souhaite que cette question soit inscrite à l'ordre du jour de la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du Commerce, à Singapour.»

(...) «Si nous voulons dépasser l'opposition actuelle entre l'économique et le social, si nous voulons replacer l'Homme au coeur du développement de nos sociétés, oui nous devons nous appuyer sur l'Organisation internationale du Travail, et d'abord lui apporter tout notre soutien.»

«Demain comme hier, la France sera à ses côtés.»