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L’ergonomie en Chine: combattre le stress au travail

L’OIT travaille avec les syndicats et le gouvernement chinois pour réduire les effets du stress et d’une mauvaise ergonomie sur les travailleurs.

Reportage | 26 avril 2016
GUANGDONG, Chine (OIT Info) – Un lundi après-midi à Shenzhen, au cœur du secteur manufacturier chinois dans la province de Guangdong, l’ingénieure Lingzhi Li effectue un contrôle de routine dans l’atelier d’une vaste usine de composants électriques, évaluant les conditions de sécurité pour ses collègues.

Au cours de sa précédente inspection, en suivant le Manuel d’ergonomie pratique en 128 points de l’OIT, Mme Li avait signalé plusieurs problèmes qui méritaient d’être corrigés. Aujourd’hui, elle assure le suivi: en vérifiant quels points peuvent passer du rouge au vert, signifiant qu’un problème a été résolu, ou du rouge au jaune, indiquant qu’il faut en faire davantage.

Les questions d’ergonomie et de stress lié au travail sont relativement nouvelles en Chine et le grand public n’est guère sensibilisé. Mais les conséquences sont bien connues: douleurs chroniques du dos, du cou, des épaules et des poignets; fatigue oculaire et fatigue due à une posture assise ou debout prolongée, à des tâches répétitives ou au port de lourdes charges; problèmes psychologiques comme de la tension ou de l’anxiété causés par des horaires de travail intensifs.

L’ergonomie est parfois considérée comme une question mineure de sécurité et santé au travail (SST) par rapport à d’autres enjeux tels que les grands accidents industriels ou les maladies comme la pneumoconiose – due à l’inhalation de poussières dangereuses – qui affecte habituellement les mineurs et qui est la maladie professionnelle la plus couramment répertoriée en Chine.

Cependant, dans les économies plus développées d’Europe, les maladies liées à l’ergonomie – en particulier les troubles musculosquelettiques (TMS) – figurent parmi les principales causes de maladie chez les travailleurs, représentant la moitié de toutes les absences et 60 pour cent des incapacités permanentes de travail.

L’industrialisation rapide de la Chine signifie que le pays risque de suivre la même voie et de voir émerger les TMS comme l’une des maladies professionnelles les plus courantes.

«Aucun pays, aucun site de production n’est exempt de risques ergonomiques. Si l’on n’y prend garde, ils peuvent réduire le bien-être, si ce n’est entrainer de véritables handicaps, des pertes significatives de productivité pour l’entreprise, ainsi que des coûts plus élevés de sécurité sociale pour la société», affirme Tim De Meyer, directeur du bureau de l’OIT pour la Chine et la Mongolie. «Nous voulons des lieux de travail plus sains et plus sûrs pour devenir partie intégrante d’une nouvelle normalité. Les capacités d’innovation de la Chine dépendront grandement de la santé d’une main-d’œuvre peut-être moins nombreuse mais plus qualifiée et mieux prise en charge.»

Manuel d’ergonomie pratique

Pour faire face aux risques professionnels liés à l’ergonomie, l’OIT a élaboré le manuel d’ergonomie pratique et une série d’autres outils de SST, comme la méthode WISE (Amélioration des conditions de travail dans les petites entreprises), le programme WIND (Amélioration du travail dans le cadre du développement local) et la Prévention du stress au travail: liste des points de contrôle.  Ils ont fait leurs preuves et remporté un grand succès pour la promotion de la SST dans de nombreux pays.

La Chine compte environ 42 millions de PME, avec peu de ressources et de capacités pour faire face aux risques internes en matière de SST. Pour répondre à ces besoins, le Manuel d’ergonomie pratique en 128 points de l’OIT est conçu pour être peu onéreux, pratique et facile à mettre en œuvre.

Le Manuel a été introduit en Chine en 2013 par la Fédération nationale des syndicats de Chine (ACFTU) et l’Institut national de la santé au travail et du contrôle des intoxications (NIOHP), dans le cadre de leur projet de SST, qui bénéficie du soutien technique de l’OIT.

La société de Mme Li a commencé à travailler avec le Manuel d’ergonomie à partir de 2015 et a déjà fait part de retours encourageants en termes économiques. Dans sa seule unité opérationnelle, la production par personne et par heure a augmenté de 8 pour cent, permettant de réaliser des économies de 1,52 million de yuans (environ 230 000 dollars).

«Tout le monde y gagne», affirme Mme Li. «D’un côté, c’est bon pour les travailleurs puisque leurs emplois sont adaptés à leurs besoins au lieu de leur demander de s’adapter à leurs postes. D’un autre côté, l’entreprise peut bénéficier d’une productivité accrue.»

Le projet-pilote ACFTU/NIOHP (2013-2015) est initialement axé sur quatre secteurs – le charbon, la chimie, l’électronique et la fonderie – qui, ensemble, emploient des millions de travailleurs. En collaborant avec les services de SST des autorités locales et les institutions médicales, il a pu toucher des milliers d’entreprises à travers le pays. Par exemple, dans la province de Liaoning, plus de mille entreprises ont adopté des mesures ergonomiques pour protéger la santé de leurs ouvriers. Les fournisseurs chinois de certaines multinationales ont aussi commencé à s’emparer des questions d’ergonomie et de santé.

«Grâce à ce projet, nous espérons aussi promouvoir une civilisation industrielle en sensibilisant l’ensemble de la société aux enjeux de l’ergonomie, en modifiant les normes nationales de santé au travail et en incluant davantage de troubles musculosquelettiques dans la liste nationale des maladies professionnelles», déclare le Professeur Min Zhang, experte en chef du projet de SST de l’ACFTU et du NIOHP.

«En intégrant d’abord une question de SST «douce» comme l’ergonomie, l’OIT et ses partenaires chinois espèrent pouvoir sensibiliser plus largement aux bénéfices pour la santé et créer une ouverture afin de s’atteler aux risques plus structurels qu’affrontent les travailleurs chinois en matière de SST», conclut M. De Meyer.