Programme ILOAIDS

VIH/Sida en Inde: 1,3 million de travailleurs effectuent des tests de dépistage volontaire dans cinq Etats

Des chiffres récemment publiés montrent que le programme de l’OIT de lutte contre le VIH et le sida au travail mené en Inde obtient toujours de très bons résultats.

Reportage | 24 février 2016
NEW DELHI, Inde (OIT Info) – Entre 2013 et 2015, l’Initiative de l’OIT en faveur du dépistage volontaire des travailleurs (VCT@Work) a touché 1,3 million de travailleurs dans les cinq Etats indiens où il était opérationnel. Environ 27 700 personnes ont été testées positives au VIH et ont été orientées vers des services de conseil et de traitement postérieurs au dépistage.

Pour Syed Afsar, spécialiste technique principal du programme ILOAIDS, ces résultats témoignent de l’implication prolongée de l’OIT sur cette question dans le pays.

«L’Inde fut notre première collaboration (pour ILOAIDS) sur le terrain. Nous travaillons en Inde depuis 2000 au renforcement d’un environnement politique de lutte contre le VIH/sida en milieu de travail et à la mise en œuvre de programmes d’action dans quelques Etats et secteurs choisis. Le programme a pris de l’ampleur et continue d’apporter une contribution importante à la réponse nationale en milieu de travail», a-t-il confié à OIT Info.

Ces dernières années, ILOAIDS a concentré son appui technique dans cinq Etats indiens: Delhi, Maharashtra, Jharkhand, Madhya Pradesh et Bengale occidental, avec une priorité accordée à l’augmentation du dépistage du VIH parmi les travailleurs. Les chiffres de l’OIT constituent une importante contribution aux programmes nationaux de dépistage qui ont touché quelque 4,8 millions de travailleurs au niveau national en 2014-15, selon les données nationales de dépistage.

Analyse des données de dépistage pour les travailleurs

«Nous avons constaté que les professions des personnes étaient enregistrées dans le programme national; nous avions l’occasion de passer en revue ces données, d’observer les tendances et de les utiliser pour remanier les programmes en milieu de travail», a déclaré Divya Verma, responsable national du programme de l’OIT. En août 2014, l’OIT a rencontré le Programme national de contrôle du sida (NACO) en Inde et a proposé de l’assister pour analyser les données du dépistage national du VIH, conduit par les centres intégrés de conseil et de dépistage (CICD). L’analyse a été présentée lors d’ateliers nationaux réunissant des fonctionnaires des organismes publics chargés du sida par NACO et l’OIT.

Selon le Dr Naresh Goel, Directeur général adjoint de NACO, cette étude était considérée comme «utile» parce qu’elle «contribuerait à hiérarchiser les interventions sur les lieux de travail en Inde en donnant la priorité aux professions/secteurs qui semblent afficher une séro-réactivité supérieure».

«NACO salue l’Initiative de dépistage du VIH, en particulier chez les travailleurs migrants et les travailleurs de l’économie informelle. Les faits montrent que l’émigration est largement motivée par le travail et les principaux couloirs migratoires de l’Inde ont été étudiés. Il est impératif de cibler ces secteurs pour agir contre le VIH. Il s’agit aussi d’une stratégie de détection précoce afin que 90 pour cent des personnes que l’on estime vivre avec le VIH connaissent leur statut», a ajouté M. Goel.

L’analyse des données, pour les deux années qui suivent avril 2013, a permis de porter un premier regard sur les tendances et de mieux comprendre la contamination par le VIH en fonction des secteurs, des Etats et du sexe. Les personnes les plus à risque étaient les chauffeurs de camion, avec un taux de séropositivité VIH de 2,65 pour cent; les autres employés du transport connaissent aussi des taux d’infection relativement élevés, à 1,92 pour cent.

Les employés de l’hôtellerie (1,80 pour cent) forment la prochaine catégorie la plus touchée par le VIH. Des taux un peu plus bas ont été détectés parmi les travailleurs qualifiés ou semi-qualifiés (respectivement 1,32 et 1,34 pour cent).

Les travailleurs hommes (1,69 pour cent) étaient un peu plus enclins à être séropositifs que les femmes (1,41 pour cent), bien que les personnes transgenres aient la plus forte séropositivité, avec 4,4 pour cent des 25 000 personnes de ce groupe testées séropositives au VIH.

Le programme de dépistage de l’OIT fait partie de l’Initiative mondiale de l’OIT pour le conseil et le dépistage volontaires des travailleurs (VCT@Work), lancée en 2013 en collaboration avec l’ONUSIDA. Le programme repose sur une coopération tripartite pour atteindre réellement les travailleurs dans l’économie formelle et informelle.

L’inde fut l’un des premiers pays à s’emparer de cette initiative, engageant le ministère du Travail et de l’Emploi, NACO, les groupes d’employeurs et les entreprises partenaires de l’OIT, les syndicats et les organisations de personnes vivant avec le VIH. L’OIT et NACO ont aussi mis au point une campagne de communication intitulée «Le plus tôt sera le mieux», mobilisant des personnes vivant avec le VIH qui ont livré leur témoignage et souligné les avantages qu’il y a à connaître son statut au plus tôt.

Les grandes sociétés sont essentielles pour réussir

Pour Richard Howard, spécialiste régional du VIH et du sida à l’OIT, la «clé» du succès en Inde a été la coopération active des grands groupes. Des compagnies comme Coal India Ltd, Bombay Electric Supply and Transport et Ambuja Cement Ltd ont conclu un partenariat avec l’OIT et ouvert leurs lieux de travail au conseil et au dépistage volontaires: «Cela se joue à long terme; beaucoup d’employeurs sont à l’aise avec cette question», a déclaré M. Howard.

Ce n’est pas une surprise puisque de nombreux arguments économiques pèsent en faveur de la prévention du VIH.

«Cela met en valeur l’intérêt et le dévouement de la société pour cette cause… Les niveaux de motivation augmentent et l’appréhension et l’ostracisme qui entourent les cas de séropositivité au VIH ont tendance à reculer. Le résultat est une ambiance conviviale, positive et amicale pour les travailleurs qui transforment tout cela en une hausse de la productivité», a expliqué le Dr Prakash Pokharna, responsable médical en chef de la société Ambuja Cement Ltd.

Les syndicats aussi ont été actifs en matière de sensibilisation et de prévention du VIH et du sida en Inde. Depuis le début, l’OIT a œuvré pour soutenir leurs programmes. «Depuis le lancement de nos activités, le Bureau de l’OIT à New Delhi a pleinement coopéré et a apporté un appui technique qui comprenait du personnel de formation, des manuels d’études, des brochures, des bulletins d’information et des aides pédagogiques», note le Dr B.K. Das de l’Institut pour l’éducation des mineurs et des métallurgistes.

L’OIT prévoit que l’analyse par industrie et par profession aidera les autorités fédérales et nationales à cibler les programmes de prévention, de dépistage et de conseil.

Syed Mohammed Baqar, correspondant VIH-sida pour l’OIT à Delhi, a confié à la rédaction d’OIT Info que l’étude fournissait aux autorités publiques de nouveaux repères sur le problème et des solutions potentielles: «Par exemple, la positivité au VIH parmi les travailleurs du transport à Bihar est de 3,3 pour cent; pour les travailleurs de la construction au Maharashstra, le chiffre est de 1,6 pour cent. Cette différence donne aux unités publiques de NACO l’occasion de réfléchir à une stratégie de prévention pour les travailleurs employés dans ces professions.»