Coopératives

Quand le travail est plus que "juste un emploi"

Alors que le monde s’apprête à célébrer la Journée internationale des coopératives, OIT Info examine comment une coopérative de Brooklyn, à New York, offre aux migrants une façon digne et durable de gagner décemment leur vie.

Reportage | 2 juillet 2015
Vanessa Bransburg, directrice du mouvement coopératif du Center for Family Life de Brooklyn
BROOKLYN (OIT Info) – Sunset Park est un quartier à bas revenus dans le Sud de Brooklyn, à New York. C’est traditionnellement une première destination pour les nouveaux immigrés en provenance de lieux aussi divers que le Mexique, Porto Rico, la Chine, le Moyen-Orient et l’Europe. Bon nombre d’entre eux ont une maîtrise de la langue anglaise et un niveau d’instruction limités.

«Pour la plupart des gens ici, il est difficile de trouver un poste qui permette de toucher un salaire convenable dans un environnement sûr et respectueux», explique Vanessa Bransburg, directrice du mouvement coopératif du Center for Family Life de Brooklyn. «Ils sont souvent victimes d’exploitation ou de mauvaises conditions de travail».

Mme Bransburg – qui fournit une assistance technique et des conseils aux coopératives gérées par des migrants de Sunset Park depuis 2008 – connaît bien les difficultés que rencontrent de nombreux résidents en matière d’emploi. Les techniques traditionnelles de recherche d’emploi ne fonctionnent généralement pas pour eux.

«C’est non seulement dû à la barrière de la langue mais c’est également lié à leur méconnaissance de leurs droits en tant que travailleurs», poursuit-t-elle.

Très vite, il est devenu clair que le modèle coopératif pourrait être un moyen efficace de créer des emplois valorisants et décents. Le Programme de développement des coopératives de travailleurs a été lancé en 2006, faisant office d’incubateur pour les coopératives de travailleurs.

«Le programme aide les membres à créer des coopératives qui génèrent des emplois stables, de longue durée, équitablement rémunérés, dans un milieu de travail qui respecte les valeurs d’équité, de dignité et de respect mutuel pour tous les travailleurs», ajoute-t-elle.

Le Centre apporte son aide pour créer et organiser chaque coopérative en offrant un accompagnement commercial et des services d’appui complets, dispensés par une équipe bilingue anglais/espagnol.

Les membres assument progressivement la responsabilité de la gestion de l’entreprise et chaque coopérative aspire à devenir une entreprise pleinement indépendante.

Members of Si Se Puede! Women's Cooperative
La première coopérative, lancée en 2006, a déjà fait beaucoup de chemin. Sí Se Puede! Women’s Cooperative We Can Do It! Inc. fournit des services de nettoyage dans les cinq quartiers de New York. En l’espace de neuf ans, elle est passée de 15 à 67 membres, dont la quasi-totalité est issue de la communauté latino-américaine.

L’un d’eux, Cristina, est une maman de trois enfants originaire du Mexique. Elle est arrivée aux Etats-Unis en 2010 et n’arrivait pas à trouver d’emploi de femme de ménage jusqu’à ce qu’elle entende parler de la coopérative. Elle gagne maintenant 20 dollars de l’heure et peut compter sur un travail stable chaque semaine.

Luz est également membre de Si se Puede!. Elle aussi voit la différence entre sa vie avant et après l’entrée dans la coopérative. «Quand je travaillais seule comme femme de ménage, j’avais souvent peur pour ma sécurité ou de ne pas être payée la totalité de mes gages. A cette époque, je gagnais 8 dollars de l’heure et maintenant j’approche des 20 dollars, je me sens en sécurité et soutenue par toutes les femmes de la coopérative», dit-elle.

Favoriser l’autonomie des nouveaux migrants

Vanessa Bransburg est fière de ce qui a été accompli et souligne la valeur sociale de son travail. «Avant de rejoindre les coopératives, les personnes comme Cristina et Luz travaillaient souvent plus de 40 heures par semaine dans des conditions de travail difficiles et percevaient un salaire modeste. Depuis qu’elles ont rejoint une coopérative, elles travaillent dans un environnement sûr pendant 21 à 40 heures hebdomadaires, gagnant parfois jusqu’à 22 dollars de l’heure», dit-elle.

Les participants font partie d’une équipe et se sentent mutuellement responsables de leur travail. L’emploi est devenu l’occasion de développer le capital humain et pas un simple travail.”

Elles sont passées du statut de salariées travaillant pour un patron à celui de copropriétaires d’une entreprise qui leur donne la possibilité d’exercer des responsabilités.

«Les participants font partie d’une équipe et se sentent mutuellement responsables de leur travail. L’emploi est devenu l’occasion de développer le capital humain et pas un simple travail», explique-t-elle.

Comme la plupart des membres sont des femmes, adhérer à une coopérative leur confère davantage d’autorité et de confiance au sein de leur famille.

«L’égalité est le thème de cette édition de la Journée internationale des coopératives. Le travail effectuée par Vanessa Bransburg et son équipe est un bon exemple de la façon dont les coopératives peuvent réduire les inégalités, en particulier parmi les migrants récemment arrivés pour lesquels trouver un emploi décent est souvent est un énorme défi», déclare Simel Esim, Directrice du service des coopératives de l’OIT.

«Les coopératives contribuent à faire reculer les inégalités en donnant davantage d’autonomie aux individus et en leur offrant une façon digne et durable de gagner leur vie. Elles peuvent jouer un rôle majeur dans la réduction de la pauvreté. Je crois que ce qui a été accompli à Sunset Park peut être mis en œuvre dans bien d’autres régions du monde qui connaissent les mêmes difficultés avec les migrants et d’autres groupes vulnérables», conclut-t-elle..

 l’OIT et les coopératives


Les activités de l’OIT sont orientées par une norme internationale relative aux coopératives, la recommandation (n° 193) sur la promotion des coopératives, 2002.

Le programme de l’OIT pour les coopératives (COOP) est au service des mandants de l’OIT et des organisations coopératives dans quatre domaines prioritaires:
  • Faire connaître les coopératives par la sensibilisation du public aux valeurs et aux principes coopératifs et la défense de leurs intérêts;
  •  Favoriser la compétitivité des coopératives en élaborant des outils sur mesure pour les acteurs du monde coopératif: formation en gestion, manuels d’audit et programmes d’assistance;
  • Promouvoir l’inclusion de l’enseignement des principes et des pratiques coopératifs à tous les niveaux des systèmes d’éducation et de formation au niveau national;
  • Et fournir des conseils en matière de politique et de législation relatives aux coopératives, y compris un processus participatif d’élaboration des politiques et des lois, et l’impact sur les coopératives des politiques fiscales, du droit du travail, des normes comptables, de la législation sur la concurrence, entre autres.