Journée internationale de la femme 2015

Se hisser au sommet de l’industrie de la chaussure grâce au travail décent

Alors qu’approche la Journée internationale de la femme, OIT Info vous fait découvrir le parcours de Bethlehem Tilahun Alemu, une jeune chef d’entreprise éthiopienne qui a créé l’une des marques de chaussure à l’expansion la plus rapide au monde en misant sur le travail décent.

Article | 26 février 2015
Bethlehem Tilahun Alemu
ADDIS-ABEBA (OIT Info) – «Les débuts ont été assez simples. Nous nous sommes autofinancés. Cinq ouvriers et moi travaillions dans un atelier implanté sur un terrain appartenant à ma grand-mère, dans notre village de Zenabwork», se souvient Bethlehem Tilahun Alemu, nouvelle Présidente directrice générale de soleRebels, l’une des premières marques de chaussure issue d’un pays en développement.

«Depuis le début, en 2004, nous avions pour objectif de créer, développer et gérer une marque de chaussure de classe mondiale, capable de générer des emplois et d’apporter la prospérité aux travailleurs en mettant à profit les talents artisanaux de notre communauté.»

Bethlehem, 34 ans, est née et a grandi à Zenabwork, un quartier défavorisé et marginalisé des faubourgs d’Addis-Abeba. Sa mère et son père, respectivement employés comme cuisinière et électricien, ont eu une forte influence sur cette jeune femme qui fut récemment nommée «jeune leader mondial» par le Forum économique mondial et Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour l’entreprenariat.

Aujourd’hui, son entreprise de «commerce équitable» vend des chaussures dans de nombreux points de vente à travers l’Europe et l’Asie et emploie plus d’une centaine de travailleurs locaux, qui sont rémunérés 3 à 5 fois plus que la moyenne du secteur.

«Certaines personnes qui ont commencé chez nous comme apprentis, touchant une modeste indemnité d’environ 900 birrs (45$), gagnent aujourd’hui plus qu’un médecin», a confié Bethlehem à OIT Info.

L’entreprise dispose actuellement d’un réseau de 18 boutiques dans le monde, y compris dans la Silicon Valley aux Etats-Unis, au Japon, à Singapour, en Autriche, Espagne, Grèce et Suisse; elle mène une stratégie commerciale très offensive dans le commerce électronique. L’ouverture de 50 à 60 nouveaux magasins est envisagée dans un délai de 18 à 36 mois.

Créer des emplois, autonomiser les communautés

Avant de lancer son entreprise, Bethlehem Tilahun Alemu – que l’on désigne aussi par ses initiales «BTA» – est allée à l’Université Unity d’Addis-Abeba et a collaboré avec diverses sociétés dans les domaines du cuir et de l’habillement. «Cela m’a donné une très bonne connaissance du secteur qui m’a été fort utile pour créer mon entreprise et la faire grandir», a-t-elle raconté.

Après avoir travaillé dans le secteur privé pendant un certain temps, elle a développé un profond désir de consacrer ses compétences commerciales à sa communauté.

«Je savais qu’il y avait énormément de gens talentueux capables de faire de grandes choses pour peu qu’on leur en donne l’occasion. Toutefois, en raison de l’extrême pauvreté, de l’ostracisme et de la marginalisation (…) beaucoup d’entre eux n’arrivaient pas à décrocher le moindre emploi. Cela m’a beaucoup contrariée parce que j’ai grandi avec eux. Ils étaient mes voisins, des membres de ma famille.»

«C’est pourquoi nous avons toujours dit que cette société devait chercher à tirer le meilleur des talents locaux et des ressources disponibles sur place afin de créer des emplois rémunérateurs et de créer des chaussures extraordinaires», a-t-elle ajouté.

Une tribune pour la chaussure

Les chaussures sont élaborées à partir de matériaux inhabituels, tels que des pneus recyclés, du coton biologique, du jute ou du chanvre. Elles sont fabriquées à la main, grâce à des procédés de production à faible intensité technologique, sans aucune émission de carbone.
Nommée l’une des douze meilleures femmes chefs d’entreprise du siècle par CNN, BTA savait que ses premiers modèles de chaussures (inspirés des sandales traditionnelles que portaient les soldats éthiopiens luttant contre l’occupation coloniale) devaient faire preuve de créativité.

Les chaussures sont élaborées à partir de matériaux inhabituels, tels que des pneus recyclés, du coton biologique, du jute ou du chanvre. Elles sont fabriquées à la main, grâce à des procédés de production à faible intensité technologique, sans aucune émission de carbone.

De plus, la politique de développement durable de la société s’étend au-delà de ses produits et englobe ses employés et l’intégralité du processus de production. L’entreprise est la première marque de chaussures au monde à avoir été labellisée «équitable» par l’Organisation mondiale pour le commerce équitable (WFTO) – un label qui certifie le caractère éthique de l’ensemble des activités de l’entreprise, pas seulement de ses produits.

Entre 2007 et 2011, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a soutenu l’Association éthiopienne des femmes exportatrices à laquelle BTA est pleinement associée en tant que membre de l’équipe dirigeante. L’aide apportée consistait en plusieurs formations sur des thèmes comme la gestion d’entreprise (en utilisant le module de formation sur l’entreprenariat et l’égalité hommes-femmes «Get Ahead» de l’OIT), la participation à des expositions ou des foires commerciales (en utilisant le module «Améliorer vos compétences de présentation commerciale» – IYES en anglais) et l’élaboration de plans stratégiques pour l’Association.

Produire localement, vendre à l‘échelle mondiale

S.A. la Princesse Mary du Danemark
«J’ai voulu démontrer qu’il était possible d’être originaire d’Ethiopie, d’Afrique et de réussir à l’échelle mondiale», a-t-elle déclaré. «Il est possible d’exploiter des ressources locales tout en créant une marque mondiale de premier plan et de le faire à partir de rien.»

La construction d’une unité de fabrication très moderne, respectueuse de l’environnement, a démarré. La semaine dernière, BTA a accueilli S.A. la Princesse Mary du Danemark sur le site en construction, pour lui expliquer l’impact de la nouvelle usine sur la création d’emplois et la préservation de la culture.

«Ce sera le site de production le plus innovant, un exemple unique en son genre dans le pays et dans le monde je crois», a déclaré BTA qui siège également au conseil consultatif de la Plate-forme de l'industrie verte, réuni par l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).

Le site de production intégrera un showroom pour les acheteurs qui fera une large place aux méthodes écologiques de production artisanale en Ethiopie. Il devrait permettre de créer des milliers de nouveaux emplois bien rémunérés tout en «préservant, conservant et valorisant l’artisanat traditionnel dans le processus de production», a précisé BTA.

Elle pense aussi que sa réussite peut être une source d’inspiration pour toute une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs en Afrique.

«Si nous voulons des sociétés vraiment équitables, alors nous devons inclure l’équité à tous les niveaux. Cela veut dire favoriser l’émancipation économique des femmes et la clé pour y parvenir, ce sont les femmes chefs d’entreprise», a-t-elle conclu.

L’OIT et la Journée internationale de la femme

L’OIT va célébrer la Journée internationale de la femme avec une table ronde sur «Les femmes et l’avenir du travail: Beijing+20 et au-delà» qui se tiendra au siège à Genève le vendredi 6 mars. La déclaration sur «Les femmes et l’avenir du travail» reconnaît l’importance des femmes au travail et les initiatives relatives à l’avenir du travail lancées par le Directeur général de l’OIT en 2013 dans le cadre des préparatifs du Centenaire de l’OIT en 2019.