Travail des enfants

Danser ensemble contre le travail des enfants

Un groupe de danse hip-hop prometteur, The Zoo Thailand, a mis son talent au service d’une bonne cause et s’est associé à l’OIT dans sa campagne pour l’abolition du travail des enfants.

Reportage | Bangkok, Thailand | 3 novembre 2014
Napatsara Ploysupaphol, danseuse de hip-hop de 13 ans, voit des enfants travailler dans les rues de Bangkok, la capitale thaïlandaise, depuis son plus jeune âge. Quand elle a commencé à danser à 7 ans, Napatsara terminait son entraînement à la nuit et voyait souvent des enfants, plus jeunes qu’elle, vendre des fleurs ou nettoyer les pare-brise aux feux rouges, travaillant jusqu’aux petites heures du matin pour gagner un peu d’argent.

«Il était tard le soir, et ils n’étaient toujours pas rentrés chez eux», raconte Napatsara. «Si j’avais été à leur place, j’aurais ressenti cela comme une torture.»

Napatsara est maintenant membre d’un groupe de danse hip-hop prometteur, The Zoo Thailand. Elle a entendu parler d’une nouvelle campagne de l’Organisation internationale du Travail (OIT) «Tous ensemble contre le travail des enfants» qui essaie tout particulièrement d’enrôler les jeunes citadins – qui forment aussi l’essentiel des fans de The Zoo Thailand. Napatsara a persuadé ses camarades danseurs de mettre leur talent au service de cette cause et de s’engager.

Mêlant les mouvements rapides du hip-hop à de la danse contemporaine, la troupe a mis au point une chorégraphie spéciale pour faire connaître le sort des enfants qui travaillent. La nouvelle chorégraphie a été créée pour devenir la pièce maîtresse d’un événement de sensibilisation au CentralWorld, un centre commercial très populaire de Bangkok, lieu de rencontre des jeunes Thaïs.

En Thaïlande, il n’existe pas de données disponibles sur le nombre d’enfants concernés par le travail des enfants mais on continue d’en trouver exerçant ce que l’on appelle les pires formes de travail des enfants, notamment l’agriculture et la transformation des crevettes et des fruits de mer. A l’échelle mondiale, le nombre d’enfants qui travaillent est en recul d’un tiers depuis 2000, passant de 246 à 168 millions. Mais la région Asie-Pacifique continue d’abriter le plus grand nombre d’entre eux avec près de 78 millions – soit quasiment 1 enfant sur 10 dans la région.

Pattanapong Suwanwong, 22 ans, le chorégraphe de The Zoo Thailand, a eu la délicate tâche de créer des mouvements de danse qui aident le public à comprendre ce que cela fait d’être victime du travail des enfants.

«J’utilise les gestes rapides du hip-hop pour dépeindre les enfants qui ont la chance de s’amuser et de pouvoir être des enfants», explique-t-il. «Les mouvements plus lents de la danse contemporaine sont pénibles à regarder, vous retenez votre souffle, c’est comme la situation dramatique des enfants qui travaillent.»

Les jeunes sont les agents du changement. Nous touchons un public de jeunes qui deviendront des cadres ou des dirigeants dans leur domaine quand ils seront adultes»
 
Le message du spectacle a été bien reçu par le public. «Chaque enfant devrait pouvoir s’amuser. Au lieu de devoir travailler. Ce n’est pas juste», a déclaré Santitham Wattanasopon qui a assisté à la performance au CentralWorld. «Qu’en est-il de leur enfance? Ils l’ont perdue.»

Utiliser des techniques de danse de rue pour véhiculer des messages difficiles était une expérience nouvelle aussi bien pour les danseurs que pour l’équipe de spécialistes du Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants (IPEC), mais les deux parties étaient satisfaites du résultat et de la nouvelle piste que cela ouvrait pour communiquer. «Les jeunes sont les agents du changement. Nous touchons un public de jeunes qui deviendront des cadres ou des dirigeants dans leur domaine quand ils seront adultes», a déclaré Birgitte Krogh-Poulsen, Directrice du programme local de l’IPEC.

«Quand j’étais plus jeune, je pensais aider ces enfants en leur achetant les fleurs et les autres objets qu’ils vendaient», se souvient Pattanapong. «Quand j’ai grandi, j’ai commencé à m’interroger sur mes propres actions. Je me suis demandé si je n’étais pas plutôt en train d’encourager le travail des enfants.»

Pattanapong pense que ce dilemme est partagé par beaucoup. «Quand je vois un enfants travailler, je me demande ce que je dois faire, comment je pourrais l’aider, si je devrais appeler la police, et après? Je ne sais moi-même pas ce qu’il convient de faire pour en sortir.»

«C’est donc pour moi une excellente occasion d’aider, de sensibiliser au travail des enfants. Ce que je peux faire, c’est monter ce spectacle.»

L’origine de cette création de The Zoo Thailand remonte au moment où la question du travail des enfants a été mise en avant par la remise du prix Nobel de la paix à deux militants de la lutte contre le travail des enfants – la jeune militante pakistanaise en faveur de l’éducation des filles, Malala Yousafzai, et le défenseur indien des droits de l’enfant, Kailash Satyarthi.

Cette récompense «fera date dans la lutte contre le travail des enfants», a commenté Guy Ryder, Directeur général de l’OIT. «J’espère que ce prix conférera une vitalité nouvelle à la cause qu’ensemble nous défendons, à savoir l’élimination de toutes les formes de travail des enfants et la promotion d’une éducation de qualité et d’un travail décent pour tous», a-t-il ajouté.