L’impact de l’exposition des enfants aux pesticides dans les travaux agricoles

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont organisé un événement en marge de la Conférence (le 22 juin à 13 heures) pour mettre en avant l’impact de l’exposition aux pesticides sur les enfants, en particulier ceux qui travaillent, et sur d’autres catégories vulnérables de la population. Nouvelles du BIT s’est entretenu avec Paola Termine, spécialiste du travail des enfants dans l’agriculture au BIT, au nom du Partenariat international de coopération sur le travail des enfants et l’agriculture, en amont de la réunion.

Article | 22 juin 2011

La cinquième Conférence des parties sur la Convention de Rotterdam se déroule à Genève du 20 au 24 juin. La Conférence réunit des participants du monde entier venus discuter des pesticides et des produits chimiques dangereux. Le secteur de l’agriculture dépend beaucoup de l’usage des pesticides. Il accueille aussi une grande proportion des enfants qui travaillent. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont organisé un événement en marge de la Conférence (le 22 juin à 13 heures) pour mettre en avant l’impact de l’exposition aux pesticides sur les enfants, en particulier ceux qui travaillent, et sur d’autres catégories vulnérables de la population. Nouvelles du BIT s’est entretenu avec Paola Termine, spécialiste du travail des enfants dans l’agriculture au BIT, au nom du Partenariat international de coopération sur le travail des enfants et l’agriculture, en amont de la réunion.

Pourquoi la FAO et l’OIT organisent-elles cet événement spécial?

La principale raison d’être de cet événement est de faire prendre conscience de l’usage des pesticides et de la grande vulnérabilité des enfants qui y sont exposés, une question qui se pose tout particulièrement pour les travaux dangereux des enfants dans l’agriculture. Ce problème touche tout autant les pays développés que les pays en développement parce que l’usage des pesticides est très largement répandu dans l’agriculture à l’échelle mondiale. Les participants à l’événement, à savoir la FAO, l’OIT, l’OMS, l’UITA et des agriculteurs locaux, des acteurs du secteur de l’environnement ou de la santé, vont discuter des moyens à déployer pour améliorer le recueil de données sur l’exposition aux produits chimiques dangereux et utiliser cette information pour élaborer des politiques. Au final, il s’agit d’identifier des synergies entre les diverses initiatives qui vont vers de meilleures conditions de sécurité et de santé, qui combattent le travail dangereux des enfants, y compris le Partenariat international de coopération sur le travail des enfants et l’agriculture et la Convention de Rotterdam.

En quoi consiste la Convention de Rotterdam?

La Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce – connue sous l’appellation de Convention de Rotterdam et adoptée en 1998 – est entrée en vigueur en 2004. Son objectif est de protéger la santé des personnes et l’environnement contre des dommages causés par les pesticides et les produits chimiques industriels. La convention établit un droit de savoir, relatif aux informations sur les produits chimiques dangereux qui sont commercialisés et une capacité de décider si le pays est apte à gérer les risques et les dangers de ces produits. La Convention de Rotterdam encourage le partage des responsabilités et les efforts de coopération entre les parties signataires (elles sont 143 parties à la convention) pour le commerce international de certains produits chimiques dangereux. La liste actuelle de la convention comprend 40 produits chimiques, et c’est la Conférence des parties qui décide de l’inscription de nouveaux produits chimiques sur la liste.

Les enfants sont-ils plus vulnérables que les adultes aux expositions toxiques?

Oui, et pour plusieurs raisons. Les enfants ont une plus grande capacité à absorber des substances toxiques parce qu’au vu de leur poids corporel ils respirent, mangent et boivent davantage. Leur capacité à se débarrasser des toxines diffère également de celle des adultes. L’exposition aux produits chimiques dangereux et aux pesticides peut sérieusement affecter leur développement physique et neurologique. Dans le même temps, les enfants sont moins aptes à évaluer les risques. Ils peuvent se retrouver en train de jouer dans ou à proximité d’une zone traitée aux pesticides parce qu’ils sont distraits ou simplement parce qu’ils n’ont pas su déchiffrer les signaux. Le problème devient plus criant quand on prend en compte le fait que les enfants constituent une part significative de la force de travail rurale.

L’agriculture est-elle le secteur le plus dangereux à cet égard?

L’agriculture compte parmi les trois secteurs professionnels les plus dangereux, quel que soit l’âge, en termes de décès liés au travail, d’accidents du travail non mortels et de maladies professionnelles. C’est encore plus dangereux pour les enfants. Les chiffres nous aident à mettre ce problème en perspective. Selon les dernières estimations du BIT, environ 215 millions d’enfants travaillent dans le monde, parmi lesquels 115 millions d’enfants sont impliqués dans des travaux dangereux. Environ 59 pour cent (soit 68 millions) des enfants qui effectuent des travaux dangereux sont employés dans l’agriculture, pour la plupart dans les pays en développement où ils représentent une grande proportion de la main-d’œuvre agricole. Les pesticides figurent parmi les plus grands dangers auxquels sont exposés les enfants et les adultes dans le secteur agricole. Il est facile de comprendre en quoi l’atténuation de ces risques, la promotion de lieux de travail plus sûrs et plus sains, des technologies mieux sécurisées et la réduction progressive de l’usage des pesticides peuvent améliorer le travail décent pour les adultes et le bien-être des enfants.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de la manière dont les enfants risquent d’être exposés aux pesticides?

L’exemple le plus frappant est celui des enfants qui travaillent dans les champs pour pulvériser des pesticides. Mais il existe d’autres situations dangereuses: les mères qui vaporisent des pesticides alors qu’elles portent leur bébé sur le dos; les enfants qui lavent les vêtements de travail ou les équipements de protection contaminés de leurs parents et se trouvent ainsi exposés à des résidus toxiques; le stockage de pesticides au domicile. La plupart des enfants souffrent de l’exposition environnementale aux pesticides en travaillant, en vivant à proximité ou en passant à travers des champs traités.

Comment la Convention de Rotterdam peut-elle contribuer à l’éradication du travail des enfants?

Cet événement parallèle est une excellente occasion d’explorer comment les instruments de l’OIT (à savoir la convention (n° 138) sur l’âge minimum et la convention (n° 182) sur les pires formes du travail des enfants mais aussi la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail ainsi que la convention (n° 184) pour la sécurité et la santé dans l’agriculture) peuvent se conjuguer avec la Convention de Rotterdam pour contribuer à réduire l’exposition des enfants aux pesticides et aux produits chimiques dangereux. De nombreuses mesures peuvent faire la différence. Ainsi, la Convention de Rotterdam prévoit des échanges d’information entre les parties sur les produits chimiques et cette information pourrait être intégrée à une liste des travaux dangereux qui définit au niveau national les tâches et les professions qui sont interdites aux enfants de moins de 18 ans. Les pays qui sont parties à la convention pourraient intégrer la vulnérabilité spécifique des enfants et les répercussions sur leur santé et leur développement, afin d’attirer l’attention sur les substances qui sont dangereuses pour les enfants et leur éviter d’y être exposés, et de protéger leur environnement. Le secteur privé a également un rôle à jouer en fournissant une information transparente et une formation appropriée aux travailleurs, ainsi qu’aux organisations de travailleurs, pour promouvoir la sécurité des lieux de travail. Cependant, la plus grande contribution proviendra d’une meilleure sensibilisation et d’une collaboration accrue pour encourager les pratiques agricoles et les technologies plus sécurisées, telles que la production intégrée et la gestion des nuisances, la réduction de l’usage des pesticides et leur élimination progressive, ainsi que le développement d’alternatives plus sûres.

En quoi la limitation de l’usage de pesticides dangereux favorise-t-elle l’emploi des jeunes dans l’agriculture?

Les jeunes qui ont atteint l’âge minimum légal d’admission à l’emploi peuvent être embauchés sans risque dans l’agriculture si la santé et la sécurité au travail sont garanties. Les travaux dangereux des enfants au-delà de l’âge minimum peuvent être transformés en emplois pour les jeunes grâce à l’élimination ou au remplacement de dangers comme les pesticides.