Articles sur le VIH/sida et le monde du travail

Article | 2 juin 2010

Les entreprises indiennes tendent la main à leurs fournisseurs

Les grandes entreprises indiennes ont la capacité d’étendre leurs programmes sur le VIH/sida au-delà de leurs seuls salariés directs et de leurs familles pour toucher les travailleurs intérimaires, les associés, les partenaires et les sociétés de leur chaîne logistique. Pour exploiter ce potentiel, le projet de l’OIT en Inde a mené un travail de sensibilisation avec de grandes sociétés afin de les persuader d’amplifier les interventions qu’elles mènent déjà au niveau de l’entreprise.

«Nous avons essayé de mobiliser les organisations d’employeurs et les entreprises et leur avons offert un appui technique pour renforcer la riposte des entreprises face au VIH/sida en Inde. Plusieurs compagnies des secteurs public et privé ont élaboré des programmes et des politiques sur le lieu de travail, ont pris des initiatives au sein de leur chaîne de production et ont également développé des modèles exemplaires de partenariat public-privé (PPP)», explique Afsar Syed Mohammad, expert technique du Programme du BIT sur le VIH/sida et le monde du travail, ancien coordinateur du Projet de l’OIT en Inde.

Apollo Tyres Limited (ATL) est une organisation jeune et dynamique qui fabrique et vend en Inde et en Afrique du Sud. ATL a démarré son programme sida en travaillant avec les chauffeurs de poids lourds; elle a ensuite lancé un programme complet sur le lieu de travail en partenariat avec l’OIT pour couvrir ses 7 000 employés répartis sur quatre sites. Elle contribue maintenant à initier des programmes sida parmi les entreprises de sa chaîne d’approvisionnement, ciblant ses PME partenaires. Elle s’adresse à huit compagnies par an pour mettre en place des programmes en milieu de travail, et prévoit d’étendre ses initiatives en matière de sida pour impliquer 4 500 détaillants à travers toute l’Inde grâce à ses 120 succursales.

Onkar S. Kanwar, le Président et directeur général d’Apollo Tyres Ltd. a été un fervent supporter de l’initiative: «Le VIH est reconnu comme un risque potentiel par la compagnie pour ses principaux actionnaires et par conséquent pour ses affaires. L’action proactive de lutte contre le sida fait partie de la stratégie de gestion des risques d’Apollo».

De nombreux chauffeurs routiers sont couverts par les programmes de prévention du VIH mis sur pied par les compagnies selon les modèles de partenariat public-privé comparables à l’initiative d’Apollo. Bala Devi gère une dhaba (un petit salon de thé) au Sanjay Gandhi Transport Nagar à Delhi. Elle est maintenant éducatrice pour les pairs et éduque les chauffeurs qui fréquentent sa dhaba dans le cadre de l’initiative mise en place par Apollo Tyres.

Sa perception du VIH a changé. «A l’origine, je n’aurais pas autorisé les employés d’Apollo à s’asseoir dans ma dhaba pour parler de sida et de préservatifs. Je trouvais ça honteux. Mais je suis moi-même devenue éducatrice de pairs. Je discute du VIH avec les chauffeurs qui viennent boire un thé dans ma boutique et je distribue des prospectus sur le sida et des préservatifs. Je leur recommande aussi de s’adresser à la clinique d’Apollo Tyres pour des discussions plus approfondies et un traitement contre les infections sexuellement transmissibles», ajoute-t-elle.

Favoriser l’émancipation économique des femmes séropositives en Ethiopie

Abebech Chanie, 29 ans, a été testée positive au VIH en 2003 comme le furent 35 000 autres Ethiopiennes en zone urbaine cette année-là. La mort précoce de son mari l’avait déjà privée de tout revenu. Sa belle-famille l’a dépossédée de tous ses biens et l’a abandonnée avec un enfant malade à charge. Survivre à Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie, semblait tout simplement impossible.

Elle a contacté l’association nationale Mekdim Ethiopia, une association pour les personnes vivant avec le VIH, pour chercher de l’aide. «J’ai trouvé de l’amour, du réconfort, des soins et du soutien, grâce aux membres et au personnel de Mekdim», confie Abebech. Mais le soutien qu’elle a reçu de Mekdim était à peine suffisant pour subsister.

Un programme de l’OIT financé par l’agence suédoise pour la coopération internationale au développement a assisté Mekdim pour apporter à Abebech davantage qu’un réconfort immédiat. Elle a bénéficié d’une formation d’entreprenariat dans le cadre de l’initiative GERME de l’OIT (Gérer mieux votre entreprise).

Suite aux cours, avec 26 de ses amis et une bourse de départ de 4 500 dollars, elle a pu avoir accès à une parcelle de terre, y construire un abri et acheter 300 poulets pour démarrer un élevage de volailles. En vendant leurs œufs dans les hôtels, ils gagnent correctement leur vie et peuvent envoyer leurs enfants à l’école.

Abebech explique qu’ils gèrent efficacement leur entreprise, mettant à profit les compétences acquises au cours de la formation. Ils vendent quotidiennement les œufs à l’un des hôtels renommés d’Addis-Abeba. Leur vie a changé et leurs enfants sont scolarisés. «Je ne peux pas comparer ma situation d’aujourd’hui avec celle d’avant, rappelle Abebech. J’ai eu l’habitude de me battre durement pour acheter un simple morceau de pain pour mon fils, maintenant la situation est différente. J’ai confiance en un avenir radieux».

En Chine, l’enseignement professionnel joue un rôle clé en accueillant les futurs jeunes travailleurs migrants

En Chine, des millions de travailleurs quittent chaque année les campagnes où règne la pauvreté pour aller chercher du travail dans les zones manufacturières. Le delta de la rivière Pearl dans la province de Guangdong est le plus grand centre industriel du pays, employant à lui seul plus de 60 millions de paysans déplacés. En raison du manque d’éducation sexuelle et d’éducation à la santé reproductive, les jeunes travailleurs migrants sont confrontés à un risque accru de grossesses non désirées et d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH.

Pour canaliser l’éducation au VIH et atténuer l’impact du virus, l’OIT a travaillé avec le ministère chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, avec le soutien financier du ministère du Travail des Etats-Unis, afin d’intégrer la prévention du sida dans le programme théorique des établissements d’enseignement professionnel.

L’école professionnelle de Zhaoqing, près du delta de la rivière Pearl en est un bon exemple. Dans cet établissement, les jeunes migrants âgés de 14 à 19 ans reçoivent une formation sur la prévention du VIH en plus de leur cursus technique classique.

De nombreux jeunes élèves tirent profit d’une plus grande ouverture et d’un meilleur accès à l’information. Selon une étudiante, «au début de la formation sur le VIH, j’étais très nerveuse et timide. Après les explications du professeur, je me suis sentie à l’aise et j’ai acquiescé à ce qu’elle disait. Les personnes séropositives ne sont pas dangereuses et ne méritent pas d’être discriminées».

Suivant l’exemple de l’école de Zhaoqing et d’autres écoles similaires, le projet de l’OIT s’est fixé pour objectif d’atteindre le plus grand nombre possible d’élèves parmi les 18 millions qui étudient dans les 16 000 établissements professionnels du pays. Des programmes ont été mis sur pied dans un millier d’établissements et plus de 2 000 professeurs ont été formés pour dispenser une formation participative.

Selon Richard Howard, spécialiste du VIH/sida du BIT pour la région Asie et Pacifique, «on estime que, grâce à la formation dans les établissements professionnels, cinq millions d’étudiants seront concernés en Chine au cours des cinq prochaines années».

«C’est rafraîchissant et encourageant de voir des professeurs et des élèves interagir de manière vivante et imaginative sur des sujets relativement intimes», a déclaré le coordinateur pays de l’ONUSIDA en Chine. «Des programmes comme celui qui est financé par l’OIT peuvent servir de modèle pour toucher des dizaines de millions de jeunes et leurs partenaires en Chine, à l’âge où ils sont le plus enclins à avoir des comportements à risque vis-à-vis du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles.»

Renforcer les capacités des syndicats du Guyana

«Le programme de l’OIT est une occasion dont nous nous sommes emparés», déclare Dale Beresford, coordinateur VIH/sida du Congrès des syndicats du Guyana (GTUC en anglais). «Le GTUC ne disposait pas des ressources financières nécessaires pour élaborer une politique et un plan d’action ou pour mener une formation à grande échelle. Cependant, l’initiative de l’OIT lui a offert l’occasion d’utiliser les ressources humaines des syndicats pour permettre à leurs membres de renforcer leurs capacités pour répondre à l’épidémie. Le résultat final est que les membres formés sont capables de contacter les autres travailleurs, y compris ceux qui vivent avec le VIH. Sans l’intervention de l’OIT, cela aurait été impossible. Cela a approfondi nos connaissances et élargi nos horizons.»

Le GTUC, qui compte 15 syndicats affiliés, s’est maintenant engagé à inclure des clauses relatives au VIH dans toutes ses conventions collectives. Il a élaboré une politique et un plan d’action de lutte contre le sida qui comprend un cadre d’application; il a sensibilisé la direction des syndicats affiliés dans les comtés de Demerara, Berbice et Essequibo.

Le soutien de l’OIT au GTUC fait partie d’un programme d’éducation sur le lieu de travail au Guyana qui met tout particulièrement l’accent sur le renforcement des capacités, pour permettre aux partenaires gouvernementaux, syndicaux et patronaux d’élaborer et d’appliquer leurs propres interventions sur le VIH au travail. A ce jour, 23 entreprises du secteur public et des secteurs de l’agriculture, de la pêche, de la banque, de l’hôtellerie, de l’industrie, des mines, de la forêt et de la sécurité privée disposent de programmes sur le VIH/sida en milieu de travail.

Le programme d’éducation au travail sur le VIH/sida à l’initiative du gouvernement du Guyana, de l’OIT et du ministère du Travail des Etats-Unis a démarré en 2003 et a été étendu en 2006, avec le soutien du Plan d’urgence américain d’aide contre le sida (PEPFAR en anglais).