Journée internationale des Coopératives 2007 - Les germes du changement: les coopératives en Éthiopie

Célébrée le premier samedi de juillet chaque année, la Journée internationale des Coopératives met cette année en lumière le rôle des coopératives dans la promotion de la responsabilité sociale des entreprises du fait même de leur statut qui repose sur un équilibre des impératifs économique, environnemental et social. Reportage de BIT en ligne en provenance d’Ethiopie où l’OIT a aidé plus de 100 000 producteurs de café à s’organiser en 115 coopératives.

Article | 5 juillet 2007

ADDIS-ABEBA, Ethiopie (BIT en ligne) – Quand une mission de l’OIT est arrivée en Ethiopie en 1993 pour introduire la toute nouvelle réforme des coopératives et les programmes de développement des ressources humaines, elle a découvert un pays affaibli par des centaines de milliers de personnes déplacées et de soldats démobilisés, une économie exsangue, une insécurité alimentaire, un chômage rampant et un mouvement coopératif décrié.

Héritières de quatorze années de dictature, les coopératives étaient perçues comme des institutions socialistes et des instruments de répression au service de l’Etat. Presque quinze ans plus tard, tout a changé.

Au dernier étage d’un immeuble de bureaux d’Addis-Abeba, Tadesse Meskela, Directeur général de l’Union des coopératives des producteurs de café de la région d’Oromia est au travail. Alors que ses producteurs s’efforcent de récolter la meilleure qualité de grains de café du marché mondial, M. Tadesse voyage dans le monde entier pour trouver des acheteurs qui veuillent bien payer un prix décent à ses producteurs.

M. Tadesse représente 115 coopératives et le gagne-pain de plus de 100 000 planteurs de café. Si l’on compte les membres des familles des cultivateurs, cela signifie les intérêts de plus d’un demi million de personnes. Sa détermination et son dynamisme sans faille, il les tire de ses années d’enfance.

Le directeur vient d’une famille pauvre des environs d’Addis-Abeba: une paire de chaussures ou un panier-repas pour l’école étaient des luxes inaccessibles. Résolu de s’en sortir, M. Tadesse a travaillé dur à l’école jusqu’à entrer à l’université. Au début des années 90, il a travaillé comme expert principal au ministère de l’Agriculture et, après une formation de deux mois sur les coopératives au Japon, il a développé un système coopératif qui contourne les exportateurs et autres agents intermédiaires, permettant aux cultivateurs d’épargner des sommes faramineuses.

L’Union des coopératives a été créée en 1999 et porte le nom de la région d’Oromia qui produit 65 pour cent du café éthiopien. Jusqu’à présent, cette Union regroupe 115 coopératives qui comptent en tout quelque 102 950 producteurs membres.

L’Union des coopératives des producteurs de café de la région d’Oromia exporte du café vers l’Union européenne (UE), les Etats-Unis et l’Australie. Elle a négocié des contrats équitables avec les distributeurs de café de certains pays de l’UE, a ouvert des cafés au Royaume-Uni, en Allemagne, au Japon et au Canada et a vigoureusement promu la culture du café biologique pour sa valeur ajoutée. Actuellement, elle soutient aussi le développement de l’écotourisme dans les zones où l’on cultive le café.

En travaillant ensemble, les producteurs membres peuvent mettre leurs ressources en commun. Ce système démocratique est bénéfique aux cultivateurs à titre individuel comme à leurs communautés. Depuis 1999, l’Union a facilité la construction de quatre nouvelles écoles, de 17 classes supplémentaires, de quatre centres de soins et de deux stations d’approvisionnement en eau.

L’expérience d’Oromia est répliquée dans le reste de l’Ethiopie où le mouvement coopératif connaît un essor rapide. Les sociétés coopératives primaires reproduisent l’expérience des cultivateurs de café dans presque tous les secteurs de l’économie.

«En Ethiopie, les coopératives ont parcouru beaucoup de chemin depuis ce jour de novembre 1993 où une mission de l’OIT est venue dans le pays pour promouvoir les coopératives», déclare Hagen Henry, Chef du Département des Coopératives au BIT. «En étroite collaboration avec les institutions gouvernementales concernées, l’OIT a organisé des visites d’étude et de formation, y compris des programmes spéciaux destinés aux jeunes et aux femmes».

En 2001, l’OIT a reçu une récompense du gouvernement de la région d’Oromia en reconnaissance du soutien apporté à la promotion des coopératives dans la région au cours des sept années passées.

Le programme de coopératives d’Ethiopie reflète un plus vaste processus de réforme à l’échelle internationale, les coopératives se régénérant elles-mêmes en confiant des responsabilités à leurs membres et en augmentant leur viabilité commerciale. La recommandation no 193 de l’OIT, approuvée en 2002, sur la Promotion des coopératives fournit un cadre global à cette réforme.

Aujourd’hui, les coopératives peuvent aussi bien être de très petites structures que des entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plusieurs millions de dollars à travers le monde. Globalement, elles emploient quelque 100 millions d’hommes et de femmes et comptent plus de 800 millions de membres individuels. Les coopératives jouent un rôle essentiel dans l’insertion des travailleurs non protégés de l’économie informelle dans la vie économique intégrée.

«Les entreprises coopératives dans le monde contribuent à faire de la mondialisation juste une réalité», précise M. Henry. «Des thèmes comme l’égalité homme/femme, le VIH/Sida, le travail des enfants, le chômage des jeunes, la résolution des conflits et la réponse aux crises, la réduction de la pauvreté, la structuration de l’économie informelle sont traités par les coopératives dans les programmes de l’OIT. Il n’est dès lors pas surprenant que, parmi les organisations internationales, le plus vaste programme de promotion des coopératives soit celui de l’OIT.»